jeudi 17 février 2022

Hôtel Solvay : Photos interdites

L’hôtel Solvay est considéré comme l’un des plus beaux immeubles érigés par l’architecte belge Art Nouveau, le baron Horta.

Il est situé au 224, avenue Louise à Bruxelles, à 50 mètres de l’étrange monument «Le Labyrinthe du Monde» de Jean-François Octave dédié à l’écrivaine Marguerite Yourcenar née le 8 juin 1903 dans l’immeuble qui s’élevait naguère juste sur le trottoir d’en face (là où s’ouvre désormais la galerie Bailli-Louise).

Cet hôtel est d’autant plus remarquable par le fait qu’il présente encore aujourd’hui dans un état de conservation exceptionnel ses meubles, peintures et multiples objets de décoration d’origine conçus ou commandés spécialement pour lui par le célèbre architecte.

Longtemps inaccessible au grand public, ce n’est que peu avant le début de la pandémie du Covid qu’il a rouvert ses portes plus régulièrement aux visites de 40 minutes destinées à ceux et celles qui ont la patience de réserver leur venue longtemps à l’avance.

Les responsables de ces visites sont attentifs à leur public. Par exemple, sur leur site, au moment où nous écrivons le présent article, ils indiquent à leurs futurs visiteurs, et ce avant qu’ils n’achètent leurs tickets, que : «Nous restaurons la façade Solvay. Vous réservez un billet à un moment où un échafaudage du chantier est placé pour refaire une beauté au bâtiment».

Une photo officielle de l’intérieur de l’Hôtel Solvay.


Néanmoins, nous leur avons adressé la triple plainte suivante, le 10 janvier 2022. Ils nous ont rapidement  répondu (dix-huit jours plus tard) et de façon circonstanciée.

Belle victoire de la L.U.C. au profit de tous les futurs visiteurs: le site de l’Hôtel Solvay préviendra désormais son public du fait qu’il ne pourra pas photographier au cours de sa visite.
Prévenu, et donc pas ou moins déçu sur place.

Voici donc nos échanges intégraux à propos des trois griefs que nous avons émis :


1 : Victoire ! Annoncer l’interdiction de photographier

- Questionnement de « La Ligue des Usagers Culturels » (L.U.C.):
« Dans le document électronique qui nous lie lors de l’achat de mon ticket manque un élément essentiel qui définit votre prestation économique, à savoir le fait qu’il est interdit de photographier (même sans flash) durant la visite.
Il ne s’agit pas ici de débattre du bien fondé (ou non) de cette interdiction mais uniquement de tenter de préserver le droit bien réel du public d’en être averti avant de se décider de participer à votre activité. En effet, notre Code civil indique clairement que le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s’oblige et que tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur ».

- Réponse du service billetterie de Visit.Brussels :
« Il est certain que ce point peut décevoir les visiteurs. Nous en avons avisé l’Hôtel Solvay qui, depuis peu, communique l’information sur son site: https://hotelsolvay.be/tickets/
Nous envisageons aussi de sonder nos partenaires culturels afin de connaître des interdictions/empêchements de la sorte et de pouvoir les communiquer sur nos tickets ».

- Commentaire de la L.U.C. :
« Merci pour cette réaction concrète positive qui montre votre écoute et marque une évolution concrète. L’interdiction est désormais parfaitement indiquée, au bon endroit (impossible pour le futur acheteur d’un ticket de passer à côté) et en orange, elle tranche sur le fond noir : https://hotelsolvay.be/tickets/
Il serait intéressant qu’un jour Visit.bruxelles s’implique dans l’organisation d’un débat public sur ce fait de pouvoir ou non photographier (sans flash) dans les lieux culturels à Bruxelles.
En France, une charte a été établie et est appliquée après de longues négociations entre les parties prenantes. C'est «Tous photographes!» : https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Documentation-administrative/Tous-photographes-%21-La-charte-des-bonnes-pratiques-dans-les-etablissements-patrimoniaux
À Bruxelles, on en est nulle part. Si on partait des travaux plutôt réussis de la France, et des premiers résultats concrets de son application?
Chez nos voisins, l'équivalent pour les musées de notre belge "Ligue des Usagers Culturels" se nomme «Louvre pour tous» (il ne dépend pas du musée du Louvre, c'est un groupe de citoyens très efficace). Il a participé activement à l'élaboration de cette charte, et voici son avis nuancé, et même assez critique :  http://www.louvrepourtous.fr/Charte-des-visiteurs-photographes,764.html..


 

2 : Être plus constructif à l’égard du public

- Questionnement de « La Ligue des Usagers Culturels » (L.U.C.):
« Je me permets, d’autre part, de vous signaler que le très long texte de vos conditions générales ne propose quasi que des éléments restrictifs et négatifs à l’égard de l’usager et quasi aucun élément constructif, un peu comme si le public ne disposait d’aucun droit.
Il me semble que pour valoriser votre image (notamment à un niveau international puisque l’aspect touristique de votre démarche est essentiel) vous pourriez réviser différents éléments de votre texte afin qu’il soit plus accueillant à l’égard de votre public ».

- Réponse du service billetterie de Visit.Brussels :
« Nos conditions générales ont été libellées par notre service juridique, ce qui restreint l’exercice à son caractère fondamentale. Pour ce point aussi, nous envisageons de suivre votre conseil ajoutant des éléments tels que « Vous êtes l’heureux détenteur d’un ticket qui vous donne droit à … » ».

- Commentaire de la L.U.C. :
« Quand il y a des interdictions, il y a souvent des raisons légitimes. Le public est reconnaissant lorsqu’on lui en explique le pourquoi, et sans lui mentir ou pratiquer la langue de bois.
Prenons un exemple extérieur à vos activités. Beaucoup reprochent à un musée bien connu que le « simple » visiteur ne peut pas y dessiner ou prendre des notes (même avec des crayons). Cette institution pourrait expliquer que si elle ne prend pas cette mesure, le prix du ticket augmenterait car son espace où il expose est relativement étroit et que ces deux activités ralentiraient le flot des visiteurs, d’où le risque de ne plus vendre assez de places pour équilibrer son budget.
Et prenons un exemple concernant l’Hôtel Solvay. Vos conditions générales sont tellement longues qu’il ne doit pas être compliqué d’y ajouter un wagon. Par exemple, votre public serait certainement très intéressé que vous lui expliquiez sans langue de bois pourquoi il ne peut pas immortaliser par des photos sans flash sa visite de cette extraordinaire demeure. Par exemple, parce qu’il s’agit de vendre à la sortie si possible davantage de catalogues ou de cartes postales (c’est l’argument qu’utilisait un syndicat de gardiens pour dénoncer l’interdiction de photographier au Musée Orsay)? Ou pour d’autres raisons… ».

3 : Supprimer une phrase léonine?

- Questionnement de « La Ligue des Usagers Culturels » (L.U.C.):
« Pourriez-vous supprimer dans votre texte la phrase suivante qui est léonine: « Ce billet ne sera ni remboursé, ni échangé ».
Je vous signale que, suite à une plainte analogue concernant le Botanique à Bruxelles, le 17 mars 2009, sa directrice générale Annie Valenti, a répondu positivement ».

- Réponse du service billetterie de Visit.Brussels :
« Si Annie Valenti a pu se permettre de vous répondre positivement, c’est parce qu’elle détient la décision finale de rembourser ou d’échanger le ticket. Etant une centrale de réservation de plusieurs acteurs culturels, nous ne détenons pas cette décision.
Cependant, il nous arrive de solliciter l’accord de nos partenaires pour rembourser ou, ce qui est plus fréquemment le cas vu la crise sanitaire, pour échanger les tickets ».

- Commentaire de la L.U.C. :
« S’il vous arrive de solliciter l’accord de vos partenaires pour rembourser, comme vous nous l’écrivez, c’est que ce n’est pas chose impossible. C’est la preuve même que votre phrase « Ce billet ne sera ni remboursé, ni échangé » est, dans certains cas, contraire à la réalité. Par cet fait même, sa mention, dans votre texte des conditions générales, est donc trompeuse à l’égard de l’ensemble du public.
Pourriez-vous en avertir les acteurs culturels avec lesquels vous traitez afin qu’ils vous donnent leur accord pour y mettre fin?
Ils y ont intérêt puisque, de toute façon, cette phrase est inapplicable et son objectif qui consiste à intimider l’usager peut ternir leur image.
Nous espérons que vous nous informerez des résultats de cette démarche que nous vous conseillons de mener ».

Mais… la façade de l’Hôtel Solvay mérite votre selfie … et ceci vous est permis!

Annexe:

À titre informatif, afin de permettre au lecteur de mieux se positionner par rapport à notre point 2 intitulé «Être plus constructif à l’égard du public », voici le texte des conditions générales utilisé par Visit.Brussels :

« Le présent document électronique, imprimé sur papier blanc, constitue le seul et unique Billet d'entrée à l'Évènement/visite guidée.
L'impression doit être parfaite, tous les éléments doivent être lisibles sans aucune confusion.
Dans le cas contraire, l'accès à l'Évènement/visite guidée sera refusé.
Le contrôle du Billet sera effectué à l'aide de lecteurs de code barre par l'Organisateur de l'Évènement/visite guidée, sous sa responsabilité, lors de l'entrée audit Événement/visite guidée.
L'Organisateur se réserve le droit de contrôler l'identité du client à l'entrée de l'Évènement/visite guidée.
Le client devra donc obligatoirement être muni d'une pièce d'identité officielle en cours de validité.
Chaque code-barres représente un seul Billet d’entrée.
Le Billet ne peut être scanné qu'une seule fois à la date indiquée sur ce dernier.
Si le même code-barres est présenté plusieurs fois, seul le premier Billet
scanné au contrôle donnera accès à l'Évènement/visite guidée.
Ainsi, seule la première personne présentant le Billet sera admise à accéder au lieu où se déroulera l'Évènement/visite guidée.
Cette personne est présumée être le porteur légitime du billet.
Toute tentative d'abus, de contrefaçon ou de fraude, sera susceptible de poursuite judiciaire.
Si la date inscrite sur le Billet ne correspond pas à la date du jour, l'accès sera refusé.
Ce Billet ne sera ni remboursé, ni échangé.
L’Organisateur peut refuser l'accès au lieu où se déroule l'Évènement/visite guidée s'il se rend compte que plusieurs impressions ou reproductions d'un Billet imprimable sont en circulation et qu'un accès au lieu de l'Évènement/visite guidée a déjà été accordé au porteur d'une impression ou d'une reproduction.
Si la personne détentrice d'un billet imprimable à domicile se voit refuser l'accès au lieu où se déroule l'Évènement/visite guidée, elle n'aura droit à aucun remboursement du prix payé.
Le Client assiste à l'Évènement/visite guidée sous sa propre responsabilité et
renonce à tout recours à l'encontre de VISITBRUSSELS.
VISITBRUSSELS n'est pas responsable en cas de retard ou changement d'horaire de l'Évènement/visite guidée. ».

vendredi 11 février 2022

Rembourser (ou pas) le ticket Jane Birkin?

Ici et là, le Covid a mené le monde politique à donner la possibilité à l’industrie culturelle de ne pas rembourser dans certains cas les tickets des spectacles. Lors d’un report, le public est obligé d’accepter la nouvelle date décidée de façon unilatérale, sauf s’il peut prouver qu’il lui est impossible d’assister au nouveau rendez-vous.
Et le respect de la vie privée du spectateur?

Dans un dossier de cinq pages où la parole n’est jamais donné aux usagers, «L’Espoir d’un lever de rideau», paru dans «La Libre Echo» du 5 février 2022, le journaliste Raphaël Meulders note : «Tant que le concert est reporté, le spectateur n’est pas remboursé».
Avant la pandémie, la règle économique prévoyait que le détenteur du ticket doit avoir le choix d’accepter la nouvelle date ou d’être remboursé, et rapidement.
Dans l’article, Coralie Berael, directrice de Forest-National de Bruxelles, explique : «Autrement, on serait en faillite. Mais on n’est pas vache non plus: si la personne se fait opérer ou se marie le jour où le spectacle peut finalement avoir lieu, on s’arrangera avec elle».

Il ne suffit pas d’expliquer ces raisons aux organisateurs. Il faut en apporter les preuves matérielles. Il y a donc là atteinte à la vie privée de la part d’une profession qui, par ailleurs, récriminait bien souvent lorsqu’il s’agissait de contrôler le pass et vérifier l’identité des spectateurs pour qu’ils puissent franchir les entrées de leurs salles.

Quant aux vaches, il en paisse notamment en Wallonie d’où des plaintes ont été envoyées à La Ligue des Usagers Culturels. Ainsi, ce couple dont un enfant participait à un spectacle. Il a organisé l’achat d’une dizaine de places pour les proches. La date du report ne permettait plus à ces parents d’être dans la salle car ils avaient organisé de longue date un week-end à l’étranger. Ils ont dû prouver l’achat des tickets de transport et la réservation de l’hôtel. Ils ont été remboursé pour leurs deux places. Ce ne fut pas le cas pour celles des autres personnes qui n’avaient pas nécessairement envie d’assister à cette activité culturelle sans la présence du « couple inviteur». Les tentatives de négociation avec l’organisateur furent vaines. De plus, devoir donner l’adresse de l’hôtel où on va séjourner nous semble dans ce cas pour le moins une entrée obligée dans la vie privée des clients.

Dans le dossier «L’Espoir d’un lever de rideau», une déclaration surprenante de Coralie Berael, la directrice du Forest-National de Bruxelles.

 Malade, mais pas de la Covid

«Mauvaise nouvelle pour les fans : le concert de Jane Birkin à Bruxelles est reporté, elle doit se reposer jusqu’à la fin de l’année» est le titre de l’article de Sudinfo publié sur le site Ciné-Télé-Revue, le 4 novembre 2021.
https://www.sudinfo.be/id425886/article/2021-11-04/mauvaise-nouvelle-pour-les-fans-le-concert-de-jane-birkin-bruxelles-est-reporte

L’AVC de la chanteuse date du 6 septembre 2021.
https://www.purepeople.com/article/jane-birkin-victime-d-un-leger-avc-un-proche-donne-des-nouvelles_a460984/1

Le concert de Jane Birkin au Cirque Royal de Bruxelles prévu pour le 8 décembre 2021 est donc reporté au mercredi 13 avril 2022 dans le même lieu.

Les tickets restent valables pour cette nouvelle date : «Si vous ne pouvez pas assister à la nouvelle date de l’événement pour des raisons personnelles, vous pouvez introduire une demande de remboursement sous certaines conditions et ce endéans les 30 jours à partir d’aujourd’hui».

Pour plus d’informations, cliquez ici
Je vous conseille de cliquer, car c’est là que se trouve le problème.
Constatez que lorsque vous aboutissez sur de site de Ticketmaster, vous tombez sur la page qui porte le titre suivant : «Que se passe-t-il si mon événement est annulé ou reporté en raison du Coronavirus COVID-19 ?».
Votre interlocuteur ne vous mentionne pas de façon explicite que, dans ce cas précis, l’artiste étant malade, et pas de la covid, le public peut choisir tout autre chose, et sans donner la preuve de quoi que ce soit : le remboursement plutôt que le report.

Dans le cas présent, le titre de cette page pour le moins trompeur. Voici ces instructions de Ticketmaster inapplicables au cas du concert de Jane Birkin :
«L'événement est reporté à une nouvelle date? Vos tickets restent valables pour la nouvelle date.
Les conséquences de la crise du coronavirus sont aussi une lourde épreuve pour le secteur de l'événementiel. Nathalie Muylle, Ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, a donc pris un certain nombre de mesures pour aider le secteur à surmonter cette période difficile et a défini les règles de remboursement:
« Les organisateurs d'événements peuvent reporter les événements à une date ultérieure et ne doivent rembourser un client que si celui-ci peut prouver qu'il ne peut vraiment pas venir à la nouvelle date. Il s'agit de mesures exceptionnelles destinées à empêcher de nombreuses entreprises de faire faillite et à garantir que la fourniture future de services aux consommateurs ne soit pas compromise.
Je ne saurais trop insister sur le fait que ces mesures sont également dans l'intérêt des consommateurs. Sans mesures, cette situation entraînerait une lourde perte de revenus et pourrait placer de nombreuses organisations, des grands organisateurs de concerts aux petites compagnies de théâtre, en situation de grave difficulté financière.
Si vous ne pouvez pas assister à l'événement à la nouvelle date pour des raisons personnelles, vous pouvez introduire une demande de remboursement endéans les 30 jours. Dans ce cas, vous devez remplir le formulaire de demande de remboursement et nous fournir des pièces justificatives valides. Vous devez en effet démontrer pourquoi vous ne pouvez pas assister à la nouvelle date. Un mariage, une intervention médicale programmée ou des vacances prévues à l’avance sont des exemples de justifications qui peuvent être acceptées. Si des circonstances exceptionnelles surviennent après ces 30 jours et vous empêchent d'assister à l'événement, veuillez nous contacter via ce formulaire afin que nous puissions vérifier avec vous si vous remplissez les conditions d’un remboursement. Les circonstances couvertes par l'assurance annulation proposée (maladie, décès,…) ne sont pas incluses».

Le site de Ticketmaster introduit ainsi la confusion entre concerts reportés pour une raison liée Coronavirus COVID-19 et ceux postposés pour raison de maladie autre que celle de cette pandémie, comme l’AVC de Jane Birkin.

 
Deux extraits de la page sur la toile où sont renvoyés les spectateurs du concert de Jane Birkin, reporté pour cause de maladie (autre que la covid).

Nos quatre questions

Concernant ce dossier troublant, la Ligue des Usagers Culturels a posé par écrit quatre questions à Madame Eva De Bleeker, la Secrétaire d’État à la protection des consommateurs (qui a succédé à Madame Nathalie Muylle citée plus haut), le 9 novembre 2021. Les voici.

1: Si l’usager veut se faire rembourser son ticket car il n’a pas l’intention d’assister à la nouvelle date imposée unilatéralement par l’organisateur, il doit fournir des pièces justificatives «valides ». Il doit démontrer pourquoi il ne peut pas assister à la nouvelle date. « Un mariage, une intervention médicale programmée ou des vacances prévues à l’avance sont des exemples de justifications qui peuvent être acceptées ».
Il est écrit dans le texte publié par Ticketmaster « qui peuvent » et pas « qui doivent », ce qui ne protège pas l’usager.
D’autre part, ce texte est vague: « fournir des pièces justificatives valides ». Il est ouvert à de multiples interprétations.
Qui décide que la raison invoquée est valable ou pas?
Qui décide que les pièces justificatives sont valables ou pas?

2 : Cette réglementation détaillée de Ticketmaster, sous le titre « Que se passe-t-il si mon événement est annulé ou reporté en raison du Coronavirus COVID-19 ? » n’est pas reprise sur son site dans un autre article qui serait intitulé « Annulation pour problème de santé de l’artiste ». En ce qui concerne ce concert de Jane Birkin, le public n’a pas été informé de cette règle bien peu habituelle avant qu’il n’achète son ticket.
Pouvez-vous nous dire en fonction de quel article de loi cette réglementation peut-elle  s’appliquer?

3 : L’organisateur, en plus, fixe unilatéralement le fait que les demandes de remboursement doivent être faites par les usagers culturels endéans les 30 jours. Cet organisateur a-t-il le droit d’imposer ainsi autoritairement cette limite?
Si la réponse est oui, de quelle manière concrète toutes les personnes qui ont acheté un ticket seront averties à temps de cette échéance?

4: Ne considérez-vous pas que le fait de devoir donner des motifs du fait qu’on ne peut pas assister à la nouvelle date et apporter des preuves concrètes à l’organisateur pour le prouver peuvent constituer une atteinte à la vie privée de l’usager?
Est-ce normal que la législation fédérale le permette? Et si oui, jusqu’à quand?

Eva De Bleeker, la Secrétaire d’État à la protection des consommateurs (photographiée devant l’AB qui n’a rien à voir avec notre plainte), donne raison à La Ligue des Usagers Culturels. 
 

Si la cause est la COVID

Le 17 janvier 2022, nous recevons une première réponse détaillée mais elle n’envisage que le cas du report à cause de la Covid, ce qui ne correspond pas à notre demande d’information.
Mais il est intéressant néanmoins de découvrir quelles sont les règles précises très restrictives mise en place pour ce cas de figure exceptionnel et temporaire. Voici donc l’intégralité de cette réponse :

« Le texte cité s'applique aux événements qui ne peuvent plus être organisés en raison des mesures Corona.
L’arrêté ministériel relatif aux activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative dispose que le détenteur du titre d’accès a droit au remboursement lorsqu'il prouve qu'il est empêché d'assister à l'activité à la nouvelle date. Cette preuve peut être  apportée par tout moyen.
L’arrêté ministériel ne prévoit aucune exigence de forme particulière. Par conséquent, aucun document spécifique ne peut être demandé au détenteur du titre d’accès.
Néanmoins, le document fourni par le détenteur du titre d’accès doit véritablement former un élément de preuve. Il ne suffit pas de déclarer simplement que l’on n’est pas libre à la nouvelle date proposée.
Les preuves ne peuvent toutefois pas être limitées par l'organisateur. Toute preuve par laquelle le détenteur du billet prouve que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, il ne peut être présent à la date de la nouvelle activité présentant les mêmes caractéristiques essentielles doit être acceptée par l’organisateur.
Il appartient donc à l'organisateur de faire preuve de bon sens; Il est inutile de décrire les preuves de manière plus spécifique, car on ne peut jamais prévoir toutes les situations possibles.
L’organisateur ne peut pas limiter les moyens de preuve.
L’organisateur est uniquement tenu d’accepter les preuves qui démontrent que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, le détenteur du titre d’accès ne peut pas être présent à la date à laquelle a lieu la nouvelle activité ayant les mêmes caractéristiques essentielles.
Si, par exemple pour des raisons professionnelles ou pour d’autres raisons existant déjà avant que l’organisateur ne lui communique la date de l’activité de remplacement, le détenteur du titre d’accès n’est pas disponible à la date à laquelle l’activité de remplacement a lieu et peut en apporter la preuve (par ex. attestation de l’employeur, attestation de l’établissement scolaire, certificat médical, données de réservation d’un voyage déjà prévu, etc.), l’organisateur doit accepter cette preuve.
Dans tous les cas, une évaluation au cas par cas sera toujours nécessaire.
La décision finale appartient aux cours et tribunaux.

En tout cas, les consommateurs sont toujours informés par e-mail des nouvelles informations concernant l'événement pour lequel ils ont acheté des billets. La question est de savoir si le concert aurait pu être organisé dans le cadre des mesures Corona en application.

Comme déjà indiqué sur le site web du Service public fédéral Economie, il convient de prêter une attention particulière au délai dans lequel le titulaire du billet est tenu de faire connaître son indisponibilité à assister au nouvel événement. Ce délai doit être raisonnable. Dans ce cas, il s'agit de 30 jours. Imposer un délai très court après la notification de la nouvelle date de l'événement peut être considéré comme une pratique commerciale agressive (article VI.101, RME).
D'autre part, l'organisateur doit également être en mesure de revendre efficacement les billets qui se libèrent à nouveau. Diverses mesures ont été prises pour protéger les droits des consommateurs.
Les circonstances seront donc toujours évaluées au cas par cas et la décision finale appartient aux tribunaux ».

Concert Birkin : il y a bien droit à des remboursements

Dans un second courrier envoyé le 24 janvier 2022, la conseillère au service « Protection des consommateurs » répond à nos diverses questions et nous explique notamment que, pour ce concert de Jane Birkin remis pour cause de maladie, toute personne qui souhaite être remboursée, quelle qu’en soit la raison, doit l’être (et sans devoir expliquer pourquoi elle choisit cette solution-là plutôt que d’assister à la nouvelle « date » prévue) ou que la demande de remboursement par l’usager à l'organisateur doit simplement être faite dans un délai raisonnable après la notification de l’annulation.

Voici cette réponse détaillée :

« Le concert étant annulé pour cause de maladie de l'artiste, l'arrêté ministériel du 22 décembre 2021 relatif à l'annulation des activités privées et publiques à caractère culturel, social, festif, folklorique, sportif et récréatif ne peut être appliqué. Plus précisément, la disposition qui y est contenue concernant la "preuve d'empêchement" ne peut être appliquée ; il s'agit d'une réglementation spécifique qui a été introduite en cas d'annulation de l'événement pour des raisons liées au coronavirus.

Comme cet AM ne peut pas être appliqué ici, c'est le droit commun des contrats qui s'applique (cf. article 1108 du Code civil : les exigences pour la conclusion valable d'un contrat). Concrètement, cela signifie que le consommateur peut demander le remboursement de son argent en cas d'annulation : la prestation de l'entreprise est annulée ( annulation pour cause de maladie) et, par conséquent, également la prestation du consommateur (paiement).
 
Les règles strictes en matière de preuve ne doivent pas être imposées au consommateur. En outre, c'est l'organisateur qui annule l'événement : le fait que la société impose au consommateur des règles de preuve strictes pour que celui-ci soit remboursé peut être considéré comme une clause illicite absolument interdite (article VI.83, 9° et 30° du CDE).

En ce qui concerne le délai dans lequel un remboursement peut être demandé, il n'existe pas de législation spécifique. Bien entendu, un remboursement ne peut être demandé qu'à partir du moment où la société informe le détenteur du billet de l'annulation du concert pour cause de maladie de l'artiste. Le délai raisonnable de remboursement est conforme à l'obligation d'exécution de bonne foi (article 1134 du code civil). Dans ce cadre, on peut attendre du détenteur du billet qu'il soumette sa demande de remboursement à l'organisateur dans un délai raisonnable après la notification de l'annulation. La question de savoir si la demande de remboursement a été formulée dans un délai raisonnable ou non ne peut être jugée que par les tribunaux.

Pour un accord à l'amiable, le consommateur peut bien sûr faire appel au service du Médiation Pour le Consommateur (https://mediationconsommateur.be/fr)  ».

Et bravo à certains qui remboursent « normalement » !


Le métier musical est diversifié.
Nous avons demandé à un autre organisateur bruxellois important d’expliquer sa propre démarche en ce qui concerne les remboursements de places.

Le directeur du Botanique, Paul-Henri Wauters, nous écrit, le 18 février 2022 :

« Nous sommes sensibles à cette question et en tant qu'opérateur subventionné, et notre relation avec nos publics guide notre positionnement au delà de ce que certaines lois permettent aux organisateurs de concert. En clair:
1/ si un concert est annulé ( pour n'importe quel motif en ce compris les effets de la pandémie), chaque détenteur d'un billet reçoit un mail qui l'informe qu'il est immédiatement remboursé
2/ si un concert est reporté, nous lui indiquons que le billet reste valable, qu'il peut être échangé contre un autre billet d'une valeur équivalente et si la personne demande à être remboursée, elle est remboursée .
Il ne nous revient pas de juger ce que d'autres font à cet égard, nous tenons simplement cette ligne qui sous semble relevante dans le cadre de notre activité au Botanique et qui est certainement appréciée par notre public ».


jeudi 10 février 2022

Payer avant ou après, et combien on veut !

En Europe, une autre façon de payer (ou pas) dans un musée débute le 27 janvier 2022 à Genève.
Le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) met fin à ses tarifs d’entrée au profit d’un prix libre: «Paie ce qu’il te plaît!».
Dorénavant, c’est au public de déterminer le montant qu’il souhaite verser. Chaque visiteur a le choix entre payer ce qu’il souhaite au début ou à la fin de sa visite. Il recevra un billet indiquant le montant versé.
Cette approche relativement nouvelle en Europe continentale est assez répandue dans certains musées anglo-saxons.
Bien sûr, les sceptiques poseront diverses sous-questions. Le musée sait y répondre de façon fort intéressante : http://institutions.ville-geneve.ch/fileadmin/user_upload/mah/2015/Preparer_sa_visite/Questions_Site_DEF.pdf

À Genève, le Musée d’Art et d’Histoire

Qu’en pense notre Ligue des Usagers culturels?

En fait, c’est le retour de ce que nous nommons la « tirelire ». Nous la conseillons d’ailleurs depuis fort longtemps aux musées belges qui se plaignent de perdre de l’argent en pratiquant la «gratuité du premier dimanche du mois» (mais… ils n’en tiennent le plus souvent pas compte… et continuent donc de se plaindre de leur manque de financements).

Une étude faite à Gand montre que le public met plus d’argent dans la tirelire si elle est à la sortie plutôt qu’à l’entrée. C’est instructif. Bien sûr, si l’accueil est exécrable, cela ne sera pas le cas. Et donc, le visiteur est deux fois gagnant : il fait ce qu’il souhaite avant de sortir … et cette façon de faire va pousser les musées à bien l’accueillir.

La tirelire à la sortie est aussi un moyen concret (gratuit à mettre en place) pour mieux estimer pour les musées s’ils respectent bien leurs visiteurs. Que du positif donc, et c’est aussi une façon d’un peu mieux lutter contre la bureaucratie qui plane parfois dans certaines institutions.

L’étude gantoise indique un élément capital en plus. Le public n'est pas pingre en général. Certains paient même beaucoup. Bien souvent donc, cette façon de faire rapporte autant, si pas plus, que le total des rentrées dans les caisses avec les tarifications obligatoires habituelles.

Enfin, il y a en plus deux intérêts «citoyens». D'abord, tous les moins nantis ont ici accès à la culture. Et puis, fondamentalement, le visiteur n'est plus un client, mais devient un ami du musée qu’il soutient comme il le veut, un donateur.

Voilà un beau projet pour nos musées fédéraux?

Et si cette évolution du MAH de Genève donnait des idées à nos musées bruxellois?
N’oublions par que le13 décembre 2021, Thomas Dermine, le Secrétaire d’État chargé notamment des musées fédéraux, nous a répondu : « Quant à la gratuité le premier mercredi du mois, je soutiens les musées qui la pratiquent mais n’entends pas l’imposer aux autres. En effet, il me semble nécessaire de laisser une autonomie sur ce point aux Directions. Les tarifs sont les seules marges de manœuvre dont elles disposent budgétairement dès lors que le niveau des dotations leur est imposé. Je suis, cela dit, plutôt favorable à des tarifs différenciés permettant à chacun d’aller au musée qu’à des mesures générales de gratuité qui profitent également aux visiteurs les plus aisés et qui augmentent le besoin de fonds publics nécessaires pour assurer le fonctionnement des Institutions. Je suis toutefois évidemment intéressé par votre projet de texte et le lirai avec beaucoup d’intérêt. C’est un débat difficile mais je partage évidemment l’idée que le prix est un des leviers permettant d’élargir le public des musées ».

Beaucoup de nos musées ont suspendu ou abandonné cette gratuité d’une demi-journées (de 13H à 17H) du « premier mercredi ». Alors pourquoi pas la remplacer par un « tirelire », chaque premier dimanche du mois?
Nous avons lancé cette proposition auprès de Thomas Dermine qui nous a répondu le 1er février 2022 : « Je vous remercie pour votre message ainsi que pour ce partage. Je ne manquerai pas d’en discuter avec mon équipe ».

samedi 5 février 2022

Début des préventes de + en + tôt

 

Notre lettre est la première publiée dans la rubrique de «La Libre» et elle est mise en évidence grâce à la photo de Stromae en concert.

Cette thématique est rarement abordée dans le médias. La L.U.C. veut y être attentive. À savoir: commencer de plus en plus tôt une prévente pour un concert (également pour les grandes expos, les festivals d’été, etc.).

Ce n’est pas normal… au moins pour le monde journalistique. C’est ce que laisse entendre cet étonnant rectificatif paru déjà naguère dans Le Soir du 30 septembre 2003 qui s’était emmêlé les pinceaux la veille, et ce à propos pas du jour, ni du mois, mais bien de l’année où se découlait un concert.
Titre de cet articulet : «Aznavour à Bruxelles, mais en 2004 !».
Extrait : «Charles Aznavour sera bel et bien à Forest National, à Bruxelles, les 29 et 30 octobre, pour célébrer ses 80 ans. Mais en 2004 et non en 2003 comme nous l’avons annoncé erronément : il est né le 22 mai 1924. Un peu de patience encore pour tous les fans du chanteur. Mais les locations sont déjà ouvertes».

Enième escalade pour les débuts de plus en plus hâtifs de l’ouverture des préventes des concerts d’artistes s’exprimant en français, avec la tournée 2023 de Stromae .
À cette occasion, «La Libre» du 19 janvier 2022 a mis en évidence dans ses deux pages «courrier des lecteurs» celle du président de notre asbl.
Voici son texte, avec une proposition concrète, à la clef

Est-ce normal? s’interroge «La Libre». Nous aussi.

À propos du retour de Stromae

Pour les deux concerts de clôture de la tournée de Stromae à Paris, les 16 et 17 juin 2023, la vente des tickets a commencé le 15 décembre 2021. Si on compte bien, cela fait 19 mois avant… On nous pompe de plus en plus tôt notre argent. Il n’y a pas de limite.

La Ligue des Usagers Culturels revendique qu’à un niveau européen (l’Europe devrait en culture servir notamment à cela), la prévente culturelle ne commence jamais plus de six mois avant l’activité, et pas avant que l’ensemble du contenu de sa programmation ne soit divulguée au public.

Notons d’ailleurs l’évolution en la matière. Pendant les années ’80, on s’irritait quand la prévente d’un grand spectacle de variété commençait environ 6 ou 7 mois avant son déroulement.
Pendant les années ’90 : c’était environ une dizaine de mois.
En l’an 2000 : on est passé à 12 mois (par exemple, le concert d’Obispo à Forest-National du 1er décembre 2000 dont la prévente a commencé le 3 décembre 1999).
De 2000 jusqu’au début de la pandémie du Coronavirus en 2020 : entre 13 et 16 mois avec deux habitués de ce type de préventes des plus hâtives: Mylène Farmer et Johnny Hallyday.
Commencer si tôt une prévente n’est pas normal.

Voici les dates de la tournée de Stromae dont la location a commencé le 15 décembre 2021. Et … Stromae n’est bien sûr qu’un exemple parmi d’autres. D’autre part, nous n’émettons ici aucun avis sur la qualité de son travail scénique car ce n’est pas notre rôle.