samedi 6 avril 2024

Un musée de Verviers malmène son mécène humaniste


L’inauguration de la réouverture du Musée des Beaux-Arts de Verviers en janvier 2024 après les inondations de 2021 (photo extraite du profil facebook de la ministre Bénédicte Linard).

Dès le 15 avril 2024, le Musée des Beaux-Arts de Verviers retrouve son obligation fort originale voulue depuis 1885 par son mécène : être « accessible au public, à titre gratuit, au moins deux fois par semaine».
Lorsque la Ligue des Usagers Culturels a découvert qu’il avait été mis fin à cette gratuité « pour tous », elle a déposé plainte auprès du Musée. Comme quoi, être attentif aux droits culturels du public est utile.
Pourtant, l’histoire ne se termine pas si bien… Le mécène aurait dû être sans doute plus précis dans la formulation de cet avantage pour les visiteurs…

Depuis 1885

Les obligations contractées avec des sponsors sont souvent appliquées avec ferveur, voire révérence, comme, par exemple, leur garantir les meilleures places pour assister à un spectacle.

Et qu’en est-il d’accords conclus avec des mécènes qui, eux, parfois, rêvent de démocratisation de la culture?
Que la sombre histoire Verviétoise qui suit reste unique en son genre…

Avant les inondations de la mi-juillet 2021 qui ont dramatiquement endommagé le musée des Beaux-Arts de Verviers (près de Liège), celui-ci pratiquait une gratuité « pour tous » tous les mercredis et dimanche de 13H à 17H.
Lors de la réouverture de cette institution, cet avantage disparait dans la présentation de la nouvelle tarification.

Il faut savoir que l’Arrêté royal du 23 janvier 1885 autorise le conseil communal de Verviers à accepter la « donation Renier » en faisant référence à l’acte notarié du 12 août 1884 par lequel Jean Simon Renier « fait donation entre-vils et irrévocable à cette ville » d’une collection d’art (un remarquable ensemble d’œuvres gravées des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles, des peintures, des céramiques et des sculptures) sous diverses conditions parmi lesquelles le fait que le musée communal « soit accessible au public, à titre gratuit, au moins deux fois par semaine ». C’est le 22 mai 1885 que Mr Renier, « par acceptation pour signification », déclare avoir pris connaissance de l’Arrêté Royal qui approuve la donation.

Le site internet actuel (avril 2024) du musée est très loquace sur ce donateur mais omet d’indiquer qu’il avait demandé la création de cette gratuité pour tous les visiteurs. Cela ne me semble pas fort éducatif à l’égard du public d’aujourd’hui que de lui soustraire cette information significative et relativement rare: https://musees.verviers.be/les-implantations/footer-mini-site

 
Qu’est-ce qui n’est pas renseigné sur le site du musée à propos de la donation Renier?

Une plainte qui aboutit

Le 2 février 2024, la Ligue es Usagers Culturels (L.U.C.) écrit à Caroline Henry, le directrice des musées de Verviers, afin de savoir si le respect de cette partie de l’accord avec le mécène n’est plus d’actualité.

Le 12 février 2024, elle répond qu’une nouvelle formule intermédiaire a désormais cours, à savoir la gratuité du premier dimanche du mois.
Le compte est vite fait: cette évolution rétrécit chaque mois par huit l’obligation voulue par le mécène. Pour tenter d’expliquer ce choix, elle énumère d’autres instruments en cours dans son institution «permettant une accessibilité pour les publics les plus précarisés et les autres publics ».

Le 1er mars 2024, la L.U.C. dépose plainte officiellement « pour non respect d’un avantage destiné aux visiteurs scellé avec le donateur Renier ».
Le musée est aidé par la Fédération Wallonie Bruxelles et doit donc respecter les 15 points du Code des usagers culturels. Ainsi il est obligé de répondre de manière circonstanciée dans le mois. Si ce n’était le cas, ou si la L.U.C. n’était pas d’accord avec le contenu de sa réponse, il lui est loisible ensuite de relayer cette situation conflictuelle auprès de l’Administration Générale de la Culture « qui est chargée de la traiter dans un délai raisonnable et d’en informer le Médiateur de la Fédération Wallonie-Bruxelles ».
https://www.culture.be/vous-cherchez/droits-des-usagers-et-publics-de-la-culture/

L’affiche qui détaille les 15 droits de l’usager culturel se découvre à l’entrée et à la sortie du musée verviétois.

Dans ce courrier, la L.U.C. réplique ainsi à une partie de l’argumentaire qui lui a été fourni pour tenter de justifier l’évolution tarifaire.

«  (…) Vous expliquez : « S’y ajoutent également divers autres instruments permettant une accessibilité facilitée pour les publics les plus précarisés (article 27, Pass Museum pour article 27) et les autres publics (Pass Museum, gratuité scolaire, gratuité pour les enfants, etc.) ».
Le Pass Museum ne doit pas entrer dans notre discussion car il ne s’agit nullement d’une gratuité et, en plus, il faut avoir la possibilité économique de débourser un an à l’avance le financement de ses futures visites.
Les mesures pour des publics spécifiques (pour les enfants, par exemple) coexistent habituellement en culture et ne remplacent pas les gratuités pour tous. Ce sont des sujets différents qui se complètent et donc qui ne s’excluent pas. Nous ne voyons donc pas de raison d’en parler pour tenter de justifier ou d’adoucir l’interruption d’une obligation vous liant au mécène.
Enfin, il y a la gratuité du premier dimanche du mois mais il nous semble peu adéquat de la mentionner dans le présent dossier. Pourquoi organiser ainsi l’éclairage sur un jour de gratuité pour tous par mois… ce qui met à l’ombre les sept autres jours par mois que votre institution est censée appliquer pour respecter la volonté de votre mécène? ».

La L.U.C. demande également dans sa lettre à quelle date sera rétabli un horaire qui respecte l’accord conclu avec le mécène.

Dans les délais prévus par le Code des Usagers Culturels, le 22 mars 2024, sous entête « Verviers Musées », une lettre informe la L.U.C. que le Collège Communal en sa séance du 21 mars 2024 prend en compte sa plainte et lui donne raison. La tarification va être réaménagée. Le musée sera accessible au public, à titre gratuit, au moins deux fois par semaine, dès le 15 avril 2024.

Pas pour travailleurs et étudiants

Cette décision respecte-t-elle l’esprit de l’accord conclu avec Jean Simon Renier?
En tous les cas, le nouvel horaire prévu « deux fois par semaine »  est un camouflet pour la population active (travailleurs, étudiants) car ils n’y auront plus accès.
D’autre part, une nouvelle mesure complémentaire désormais officialisée pour y avoir accès (et pas prévue explicitement dans l’accord avec le mécène) empêche toute visite spontanée du public et contraint le futur visiteur à communiquer ses coordonnées à l’institution.

Quel est donc cet horaire proposé par la « Commission administrative des musées » et décidé ensuite par le Collège Communal? Désormais, le musée sera gratuit les lundis et mardis (non fériés) de 10H à 12H sur réservation préalable 15 jours à l’avance via l’e-guichet de la ville.

Est-ce ainsi que cette institution développera le nombre des visites, ce qui pourrait lui permettre peut-être de prétendre à des aides publiques plus importantes?

L’autre élément interpellant au niveau économique, c’est que les deux nouveaux jours sélectionnés pour cette « gratuité pour tous » sont les lundis et les mardis alors que dans l’horaire habituel, ces jours-là, le musée est fermé. Donc, ce sont autant de nouvelles heures de travail pour des gardiens, ce qui est un sacré budget, à moins que les décideurs ne se soient dit que l’obligation de réserver deux semaines à l’avance serait dissuasive au point que la population ne se déplacerait pas, la porte d’entrée du musée resterait close, d’où l’absence de personnel accueillant, et autant de tickets gratuits non accordés. Bref, organiser de façon machiavélique deux fois deux heures de gratuité hebdomadaire pour qu’elles soient un bide.

La façade du musée.

Un beau souvenir

Documentation: à quoi ressemblait ce musée avant les inondations, et à une époque où il respectait mieux son public?

http://www.consoloisirs.be/dimanches/090503.html

À l’époque, cette institution aimait aussi beaucoup la gratuité du premier dimanche. Et à un point tel qu’elle mettait en exergue, ce jour-là, mois après mois, une œuvre différente.
Deux années de suite, la ville publia même un calendrier destiné à la population avec les photos de ces douze œuvres particulièrement célébrées. Magnifique!

Bravo !

À l’occasion de cette plainte, à la demande de la L.U.C., le Musée a rajouté sur son site le lien vers internet qui permet au public de découvrir les 15 points du Code des Usagers Culturels :
https://musees.verviers.be/les-informations-pratiques

Ce texte est également affiché à l’entrée et à la sortie du musée et des exemplaires papier sont à disposition des visiteurs, sur demande auprès des agents d’accueil (voir deux photos). 

Pour ramener chez vous le texte de vos 15 droits, il suffit de le demander à l’agent d’accueil du musée des Beaux-Arts de Verviers.

vendredi 26 janvier 2024

Prix excessif : le ticket 2024 du Musée d’Art Ancien

Le Musée d’Art Ancien
 

À Bruxelles, il y a une quinzaine d’années, dans les bâtiments des MRBAB (Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique), rue de la Régence, étaient situés, aux étages, le Musée d’Art Ancien, et dans les sous-sols, le Musée d’Art Moderne.

Il existait un seul prix d’entrée et il était valable pour les deux musées à découvrir le même jour, soit 8 euros. Mais en février 2011, ce second musée est fermé abruptement. Le prix du ticket reste inchangé alors qu’il ne permet plus de visiter que le Musée d’Art Ancien. Est-ce normal?

Voici une carte blanche publiée en ce sens à l’époque :

Rebelote


Un scénario analogue se rejoue désormais en 2024.

C’est en décembre 2013 que le Musée Fin de Siècle prend la place du Musée d’Art Moderne.
À partir de 2018, le public est obligé d’acheter un seul ticket à 10 euros pour une sorte de vente en lot qui concerne ce nouveau musée ainsi que le Musée d’Art Ancien. Il n’est plus permis de les visiter séparément pour un prix moindre.

Mais début janvier 2024, voilà le Musée Fin de Siècle qui ferme pour plusieurs années. Et que se passe-t-il alors avec la tarification pour admirer uniquement le nouveau veuf qu’est le Musée d’Art Ancien? L’offre est-elle réduite de près de 50% ? Le ticket passe-t-il à 5 euros? Non, il reste inchangé, à 10 euros.

Cette attitude qui équivaut à une forme d’augmentation tarifaire du simple au double contraste avec ce qui se passe, en cas de réduction d’espace à visiter, en France ou en Italie, avec régulièrement une réduction proportionnelle de ce qu’il faut payer. 

Et il en est de même en région flamande avec, par exemple, le Mu.ZEE d’Ostende qui a annoncé par voie de presse que, du 7 novembre au 14 décembre 2023, il ne pratiquerait pas sa tarification complète à 15 euros car le public n’aura droit qu’à une « présentation réduite » de sa collection permanente à cause de la préparation de son exposition temporaire consacrée aux natures mortes de James Ensor.
Et sa proposition ne manquait pas d’originalité: « Choisissez votre tarif. Vous pouvez vous permettre de payer plus cher? Aidez les autres à payer moins cher ».
 

Le « Musée Fin de Siècle » fermé depuis janvier 2024 pour plusieurs années :
une grande toile de Léon Frédéric et une sculpture de Constantin Meunier.



mardi 26 décembre 2023

Gratuité « pour tous » des musées : Mieux vaut être déterminé!

Pendant près de vingt ans, la gratuité « pour tous » du premier dimanche du mois du Musée d’Ixelles a connu des hauts et des bas.

Fin 2023, le collège des Bourgmestre et Échevins décide et rend public le fait que le « premier dimanche gratuit » sera de retour avec la réouverture de cette institution après travaux, et donc le Musée d’Ixelles rejoindra ses 160 compères qui pratiquent cet avantage à Bruxelles et en Wallonie.  

Quels sont ces nombreux musées? Leur guide se lit et se télécharge ici :
https://artsetpublics.be/programmes/le-guide-des-musees-gratuits/

Le fond permanent de ce Musée comprend, fait rarissime, une collection complète de toutes les affiches créées par Toulouse Lautrec, ainsi que de nombreuses œuvres de Picasso, Magritte, Spilliaert, Wauters, Alechinsky, Permeke, Miro, Delvaux, Morisot, Rops, etc.


Résumons ces deux décennies de combat en six points. Une belle histoire tourmentée. 


Travaux au Musée d’Ixelles en 2023

1 : En 2004 : la 1ère interpellation citoyenne au Conseil Communal

Le 30 septembre 2004, Bernard est le premier habitant d’Ixelles à utiliser le nouveau droit d’interpellation citoyen qui vient d’être créer. Il va défendre cette cause pendant quinze minutes au Conseil Communal.

Pour pouvoir agir ainsi, à l’époque, il a dû rassembler plus de 500 signatures (dont 3/5 appartenant à des habitants de la commune), ce qui n’est pas simple car comment savoir qui est Ixellois et qui ne l’est pas? Bel hasard: à cette époque, se déroulent les élections communales et donc il recueille plus facilement ces nombreuses signatures auprès d’habitants qui entrent ou qui sortent des écoles où sont placées les urnes qui recueillent les choix des électeurs.  

La partie de la salle réservée au public de la maison communale où se déroule le Conseil est pleine. Se doutant bien qu’aucune télévision ne tournera un reportage, l’interpellateur trouve renfort auprès d’un de ses amis réalisateurs qui enregistre un long plan fixe qui restera témoin de l’événement. C’est feu Richard Olivier, l’auteur bien connu de nombreuses séquences de l’émission culte « Strip-Tease » (RTBF, France3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Olivier
Près d'une centaine d’habitants sont venus soutenir ce combat, avec bouquets de fleurs et bouteilles de vin.

La proposition : que le Musée D’Ixelles rallie ceux qui pratiquent déjà à l’époque la gratuité « pour tous» du premier dimanche par mois (soit douze jours par an au maximum, et pas plus).

À cette époque, en 2004, La Libre publie une carte blanche signée par un grand nombre d’acteurs des mondes de la culture et de la politique qui demandent une généralisation en Belgique d’une gratuité muséale douze dimanches par an : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2004/07/09/pour-une-gratuite-des-musees-chaque-premier-dimanche-du-mois-VQ2WKQCLD5DYRG3CTKZ2KEMB5U/

Voici le texte de l’interpellation : http://www.consoloisirs.be/textes/040930museesgratuits.html

Ce soir-là, l’interpellation enthousiasme majorité et opposition au conseil communal.
Terminant le tour des prises de parole, l’ancien ministre Roger Lallemand https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Lallemand, au nom du groupe socialiste, demande que la proposition soit rapidement mise en place : « L'avantage de cette demande est qu'elle est délimitée. Son coût sera compensé largement par le déploiement d'une information du public et par l'accroissement inévitable d'un intérêt pour les musées. Dans un temps rapproché, il faut amener tous les musées à pratiquer une politique identique ».

Sylvie Foucart https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvie_Foucart, l'échevine de la culture (ECOLO), annonce la décision de mener une étude de faisabilité sans tarder ainsi que la constitution d'un comité consultatif des usagers de musées.

Le quotidien Le Soir du 6 octobre 2004 consacre un compte-rendu à cette interpellation.

2 : En 2005: démarrage de la gratuité mensuelle

Parole tenue : cinq mois plus tard, le 6 mars 2005, la gratuité du premier dimanche est inaugurée. Près d’une trentaine d’institutions la pratiquent à cette époque, à Bruxelles et en Wallonie.

À cette occasion, une œuvre est mise en valeur. C’est une peinture néo-impressionniste de Théo Van Rysselberghe, « Le Thé au Jardin » https://collections.heritage.brussels/fr/objects/30452

Quelques jours plus tard, l’une des chevilles ouvrières du musée écrit à Bernard pour exprimer sa joie : « Nous avons été heureux du succès remporté et nous avons eu, sans aucun doute possible, la preuve du bien fondé de cette démarche ».

Voici le texte du communiqué de presse de la commune d’Ixelles annonçant cet événement :
http://www.consoloisirs.be/textes/050302museesgratuits.html

Cette « mise en exergue » de la peinture de Théo Van Rysselberghe éveille d’ailleurs l’imagination du personnel : « Nous envisageons l’édition d’une carte postale de l’œuvre mise en valeur ». Cette idée ne se concrétisera pas mais pourquoi ne serait-elle pas reprise lors de l’inauguration du musée restauré (en 2024, en 2025?) pour, ainsi, créer petit à petit une collection de cartes postales valorisant son patrimoine?

L’échevine de la culture Sylvie Foucart déclare au Vif-L’Express du 15 juillet 2005 :
« En quatre dimanches gratuits, le musée a attiré 500 personnes, toutes générations confondues, qui ne seraient sans doute pas venue dans d’autres circonstances ».

 

En 2008, Fête de la gratuité au Musée d’Ixelles

3 : En 2008 : Fête de la gratuité

Le 2 mars 2008, le Musée d’Ixelles organise sa «fête de la gratuité du premier dimanche» pour célébrer le troisième anniversaire du démarrage de cette gratuité mensuelle dans son institution.

L’ « œuvre mise en exergue » ce jour-là est une série de quinze affiches de l’époque 1900 dues à Privat Livemont https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Privat-Livemont

Près de cinq cents visiteurs participent à cette journée. Le bilan fort positif de ces trois ans de gratuité mensuelle est détaillé au public par Madame Leblanc https://www.lecho.be/culture/expo/claire-leblanc-c-est-tres-important-de-continuer-a-montrer-les-collections-du-musee-d-ixelles/10322663.html et Monsieur d’Ardoye, respectivement la conservatrice du musée et l’échevin de la culture.

Voici les photos de cette journée et davantage de détails : http://www.consoloisirs.be/dimanches/080302.html

4 : En 2010 : fin (provisoire?) de la gratuité

Hélas, rien n’est définitivement acquis. Le Musée d’Ixelles va mettre fin abruptement à cette gratuité du « premier dimanche » pour son fonds permanent, en expliquant qu’elle est difficile à mettre en place techniquement lorsque des expositions temporaires d’envergure, et payantes, sont organisées.

Une nouvelle majorité s’est effectivement créée au conseil communal: d’une tripartite PS-CDH-ECOLO, on passe à une bipartite PS-MR.

Pourtant le nouvel échevin de la culture (MR), le vicomte Yves de Jonghe d’Ardoye https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_de_Jonghe_d%27Ardoye_d%27Erp
s’était affirmé un chaud partisan de cette gratuité mensuelle lors de l’interpellation citoyenne du 29 avril 2004 et aussi à l’occasion de son discours du 2 mars 2008, lors de la fête de la gratuité. Il décide pourtant de changer d’avis.

 

Pendant le conseil communal

5 : En 2018 : retour probable de la gratuité du 1er dimanche

La newsletter « Consoloisirs » est diffusée à près de 15.000 destinataires ainsi qu’aux lecteurs du site «Entre les lignes ».  Le 30 mars 2018, elle annonce qu’avec la fin des travaux qui vont métamorphoser le Musée d’Ixelles, on va sans doute assister au retour de la gratuité du premier dimanche.

Pour rappel, la seule motivation de l’arrêt de cette gratuité par l’échevin de la culture qui est indiquée au cours de la séance du conseil communal qui a traité ce sujet est le fait que cet avantage pour tous ne concernait que le fond permanent du musée et que l’infrastructure à l’époque du musée ne permettait pas d’empêcher les visiteurs « gratuits » d’entrer, ce jour-là, dans les locaux réservés aux expositions temporaires payantes.

L’échevin Yves de Jonghe d’Ardoye ajouta d’ailleurs dans son explication que d’importants travaux de réaménagements (ceux qui vont commencer en 2018) permettront de trouver une solution à ce problème, et donc de réintroduire cette gratuité mensuelle.

À l’époque où le musée d’Ixelles ferme pour quatre années de travaux, Bernard a donc échangé par écrit, en mars 2018 avec Romain De Reusme http://www.romain.dereusme.be, l’échevin des travaux publics d’Ixelles (PS), afin de savoir si les futurs travaux tiendraient effectivement compte bien concrètement de ce fait dans les réaménagements pour permettre le retour matériel de la gratuité mensuelle à leur issue.

Mieux valait poser ce questionnement au démarrage des travaux que quatre ans plus tard lorsqu’ils s’achèvent.

L’échevin Romain De Reusme répond : « Une utilisation séparée des espaces pour les expositions temporaires et permanentes sera rendue possible grâce à l’implantation d’une nouvelle entrée ».

Voici le texte complet de ces échanges : https://www.entreleslignes.be/humeurs/consoloisirs/au-musée-d’ixelles-retour-probable-de-la-gratuité-du-premier-dimanche

6 : En 2023 : On s’approche de la fin des travaux

En 2023, il est temps pour le public de découvrir si la gratuité du premier dimanche va bien être restaurée pour que son annonce soit imprimée en bonne place dans les dépliants, sites, affichages, tarifications, etc., lors de la renaissance du Musée. Cela se prépare un certain nombre de mois avant les retrouvailles. Car plus l ‘information sur ce type d’avantages est forte, plus il y a de chances de toucher de nouveaux publics.

Bernard va donc demander au bourgmestre et aux échevins en fonction de se positionner sur ce retour de la gratuité mensuelle pour tous. Il ne s’agit plus d’une interpellation au conseil communal mais bien d’une plus simple demande d’avis par écrit au collège.

Elle doit être signée par au moins 20 personnes domiciliées à Ixelles, âgées de 16 ans minimum. Ce sont ses voisins et leurs proches qui vont récolter ces soutiens: Clotilde, Philippe, Nicolas, Marie-Luce, François.

Voici les règles plus précises concernant cette demande d’avis: https://www.ixelles.be/site/12-Interpeller-le-Conseil-communal#:~:text=La%20demande%20d%27avis%20ou,secretariat%20at%20ixelles%20point%20brussels

Le 6 décembre 2023, le Secrétariat des Assemblées de la commune d’Ixelles rend publique la réponse signée par l’Échevin du Musée, Ken Ndiaye https://ixelles.ecolo.be/vos-elus/bourgmestre-et-echevins/7-ken-ndiaye/ et par la Secrétaire communale, Patricia van der Lijn https://www.ixelles.be/site/58-Fonctionnaires-legaux

Elle confirme que « la décision est effectivement prise d'une ouverture gratuite chaque premier dimanche du mois, dès la réouverture » du Musée d’Ixelles.

Contrairement à la période de 2005 à 2010 où la gratuité mensuelle pour tous était appliquée de façon volontariste par une décision du conseil communal ixellois, le retour aux « premiers dimanches » à l’entrée libre se fera d’une façon obligatoire car, depuis 2022 (au moins jusque fin 2026), le musée est reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles et donc doit appliquer le décret du 25 avril 2019 qui stipule, dans son point 5, qu’il est obligé d’offrir « l’accès gratuit à tous les visiteurs, le premier dimanche de chaque mois ».



La lettre

vendredi 17 novembre 2023

Gaston : la Gaffe… de qui?

Le retour de Gaston Lagaffe s’est également déroulé dans l’hebdomadaire de Spirou. Il est annoncé notamment pour favoriser de nouveaux abonnements.
Cependant la prépublication des planches du futur album s’est interrompue après seulement une semaine, et pour longtemps.
La rédaction du journal doit-elle avertir ses lecteurs de ce fait? Faut-il rembourser les nouveaux abonnements? Quels sont les droits des lecteurs d’un hebdomadaire culturel?

 


Retour ou pas de Gaston? Et quand?

Trente ans après la sortie du quinzième et dernier album de Gaston Lagaffe imaginé par André Franquin (1924-1997), les éditions Dupuis annoncent, le 17 mars 2022, lors d’une conférence de presse au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, que le 19 octobre 2022 elles veulent publier 1.200.000 d’exemplaires d’un album de nouveaux gags de ce personnage imaginés par le canadien Marc Delafontaine, alias Marc Delaf.

Le timing semble excellent économiquement parlant car c’est justement une année sans la concurrence d’un nouvel Astérix, les albums de ce dernier paraissant un an sur deux et éclipsant presque tout sur leur passage (leur promo étant particulièrement bien orchestrée : par exemple, la date de la parution du 40ème épisode - le 26 octobre 2023 - est déjà annoncée dans Le Soir du 20 décembre 2022 dans un article de deux pleines pages de Daniel Couvreur consacré à une interview du nouveau scénariste Fab Caro, avec publication d’une planche).

Gaston Lagaffe vaut lui aussi son pesant d’or. Trente deux millions d’exemplaires ont été vendus en une vingtaine de langues.

Selon Laurence Le Saux, pour le Télérama du 17 mars 2022, la fille de Franquin « entend néanmoins continuer sa besogne de droit moral, pour aller jusqu’au bout de son refus de cette résurrection ». Isabelle Franquin a déjà obtenu en 2012 l’interdiction d’une série dérivée produite par Marsu Productions mettant en scène le petit-neveu de Lagaffe (à l’époque peu appréciée par la presse et boudée par le public).
Elle marque à nouveau sa fin de non recevoir en expliquant au Vif l’Express: « Je ne peux que refuser puisque l’auteur a manifesté sa volonté que son personnage ne lui survive pas. Je suis donc forcée d’avoir cette opinion-là. C’est l’auteur que je représente et que j’essaie de faire respecter ».

Dans son livre « Le duel Tintin-Spirou » (1997, Éditions Luc Pire), Hugues Dayez rapporte cette déclaration du père de Gaston Lagaffe : « S’il fallait en vieillissant préparer ses dernières volontés, je dirais vraiment: ne faites jamais dessiner Gaston par quelqu’un d’autre! ».

Stéphane Beaujan, directeur éditorial de Dupuis, ne partage pas ce point de vue : « Qui n’a dit sur scène autre chose que ce qu’il faisait dans la vie privée? ». Pour lui, seul compte le texte du contrat signé par l’auteur en 1992 avec Marsu Productions, société rachetée ensuite par Dupuis en 2013. Le public n’a pas pu découvrir dans la presse le texte intégral de ce contrat mais, selon différents articles parus, y sont cédés tous les droits de ses personnages, y compris les reprises et poursuites, à la condition d’un droit moral, soit celui de la fille de l’auteur, Isabelle Franquin.
Ce directeur éditorial conclut, pour sa part : « Nous avons fait toutes les démarches nécessaires (auprès de celle-ci), elle s’est opposée à ce projet à l’oral. Mais au niveau juridique, nous sommes dans notre droit, nous avons un contrat signé par un auteur en pleine possession de ses moyens ».
Également interrogé pour Le Soir du 18 mars 2022 par Daniel Couvreur, il précise son option: « À l’heure où la bande dessinée franco-belge est de plus en plus ensevelie sous la concurrence étrangère, le seul choix consiste à relancer les héros pour ne pas les voir mourir ».

Claude Katz, l’avocat de la fille du dessinateur nous confirme, par écrit, le 31 mai 2023 : « Isabelle Franquin n’a aucun intérêt financier à ce qu’un nouveau Gaston paraisse. Ni ne paraisse pas d’ailleurs. Son père a déjà vendu tous les droits patrimoniaux sur ce personnage à Marsu, 31 ans plus tôt ! ». Il s’agit donc d’une attitude éthique désintéressée. La suite de cette interview dans Le Soir du nouveau directeur éditorial de Dupuis peut d’ailleurs la renforcer dans ses choix. Mr Beaujan affirme que le dessinateur québécois s’inspirera du monde imaginaire belge mais pense qu’il y aura « de légères différences de sensibilité ».
Gaston Lagaffe était un précurseur, un héros proche des idées de Greenpeace, d’Amnesty International, de l’Unicef. Y aura-t-il une place pour un même engagement dans le nouveau Gaston? « Clairement oui, mais en douceur ». De quoi donner des idées noires à l’héritière?

 

Nouveaux abonnés trompés

La campagne pour le lancement du nouveau Gaston est parfaitement orchestrée.
Dans la foulée de l’annonce surprise au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, le numéro double 4380-4381 du 23 mars 2022 de l’hebdomadaire « Spirou » consacre par les mots suivants la moitié de sa page 98 à l’annonce de la future prépublication, semaine après semaine, dans l’hebdomadaire : « Le résultat est bluffant et vous sera présenté dès le prochain numéro du journal Spirou. Lustrez vos boules de bowling, ressortez vos inventions loufoques, chaussez vos plus belles espadrilles, car dorénavant chaque semaine, le maître mot sera la gaffe! Après deux ans de pandémie, cette cure de fou rire hebdomadaire va nous faire le plus grand bien ».

Est-ce un hasard? Ce double numéro inclut un encart de quatre pages destiné à une proposition d’abonnement « Offre spéciale -50% ». Les deux arguments (retour chaque semaine de Gaston et cette annonce de réduction) sont bien là pour tenter de susciter une moisson de nouveaux lecteurs.

La campagne promotionnelle atteint son apogée avec le numéro suivant de Spirou (le N°4382 du 6 avril 2022). Un gag avec Gaston en super star occupe toute la couverture et on lit :«Il revient! Une gaffe par semaine. Aïe Aïe Aïe ! ».
C’est dans ce numéro que débute en dernière page de couverture la prépublication avec une première planche numérotée «1» sur le bord droit de la dernière case.

Mais ce ne sera pas du tout « une gaffe par semaine » comme annoncé.
Le numéro du 13 avril 2022 (N° 4383) interrompt la publication des aventures de ce nouveau Gaston.
À la place, en dernière page, le lecteur aura droit à une planche de la série Dad. Sans un mot d’explication.

Le contrat moral entre l’hebdomadaire et son public est ainsi rompu, et tout particulièrement pour les nouveaux lecteurs séduits par la proposition d’abonnement du double numéro daté du 23 mars 2022.

La Ligue des Usagers Culturels dépose donc plainte le 19 avril 2022 avec une demande de remboursement de ce N° 4383 sans Gaston acheté en librairie, soit 2,70 euros.

Extrait :
« Nous connaissons bien entendu la raison de cette suspension de parution mais nous ne tenons pas à porter ici le débat sur ce sujet. Bien d’autres le font à notre place et nous n’avons pas à vous livrer notre point de vue.
Par contre, vous avez interrompu la prépublication et n’en pipez mot. Vous avez fait évoluer le contenu de votre numéro du 13 avril 2022. Vous avez remplacé la gaffe n°2 de Gaston par un autre rédactionnel d’une page. Il nous semble donc que vous aviez l’obligation d’utiliser une petite partie ou la totalité de cette page pour expliquer ce changement. Afin que vos lecteurs passionnés par le personnage de Franquin ne puissent pas être induits en erreur chez leur marchand de journaux préféré par rapport à votre promotion « Gaston » durant plusieurs semaines dans votre hebdomadaire (ainsi qu’une vaste campagne amorcée par votre conférence de presse au Festival d’Angoulême): qu’ils sachent avant d’acheter votre journal que votre offre n’est plus d’actualité.
Il nous apparait que cette annonce aurait au moins dû figurer en première ou en dernière page de votre magazine.
Vous savez certainement que notre Code civil indique clairement que le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s’oblige et que tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur.
Nous vous conseillons donc de réparer le plus rapidement possible auprès de votre public ce manque d’information qui risque de continuer à l’induire en erreur ».

Le Soir relaie cette plainte le 22 avril 2022 dans un article intitulé « La L.U.C. demande où est passé Gaston ».

La réponse de Spirou

Le 26 avril 2022, Morgan Di Salvia, le rédacteur en chef de Spirou répond :
« Suite aux actions en justice de Madame Franquin à l’encontre des éditions Dupuis, nous avons par souci de sérénité, préféré suspendre la publication des gags Gaston réalisés par Marc Delaf et ce, jusqu’à ce que la justice se soit définitivement prononcée. Comme vous le relevez, la raison de cette suspension a été largement partagée par de nombreux médias et donc diffusée auprès d’un très large public. À cet effet, toujours par souci de sérénité et compte tenu de ce contexte judiciaire, nous avons décidé de ne pas communiquer davantage à ce sujet dans notre journal ».

Pas obligé d’expliquer pourquoi!

Le 5 mai 2022, la L.U.C. réagit mais son argumentaire ne sera pas entendu et le remboursement de 2,70 euros ne sera pas accordé :
«  (…) Elle vous honore, votre recherche de sérénité qui vous conduit à ne pas communiquer actuellement dans vos pages sur le fond de l’actualité judiciaire qui concerne cette évolution rédactionnelle.
Par contre, il nous apparaît que vous auriez dû indiquer à vos lecteurs dans votre numéro du 13 avril 2022, sans nécessairement fournir davantage d’explications, que vous interrompiez la publication hebdomadaire de ces gags, à l’inverse de ce que vous aviez annoncé de façon fort visible dans les éditions des 23 mars 2022 et du 6 avril 2022.
Ce n’est pas parce que d’autres médias ont commenté l’actualité judiciaire liée à cette interruption que les personnes qui achètent votre journal n’ont pas le droit d’être informées le plus rapidement possible que vous avez fait évoluer notoirement votre politique éditoriale promise.
Et donc un avis en ce sens nous aurait semblé indispensable et matériellement possible dans le numéro du 13 avril 2022, par exemple dans l’espace (ou dans une partie de celui-ci) laissé vacant dû au fait que vous y avez retiré la « Gaffe N°2 » initialement prévue.
Il s’agit d’un débat de fond: du droit de tout lecteur à ne pas être induit en erreur sur le contenu d’un journal au moment où il achète celui-ci. Pouvez-vous nous confirmer que vos lecteurs avaient droit à cette information, et à ce moment-là? ».


 

Point de régulation pour la presse de divertissement

Cette confirmation ne viendra pas.
Face à ce déni affirmé sans aucun complexe par Spirou (donc les éditions Dupuis), la L.U.C. dépose plainte le 7 mai 2022 auprès du Conseil de Déontologie Journalistique, un organe belge d’autorégulation.
Muriel Hanot, sa secrétaire générale, répond le 13 juin 2022 : « Notre Conseil n’est pas compétent dès lors que le média est de divertissement et ne traite pas d’information. Ce média étant hors compétence, votre plainte est en conséquence irrecevable ».
N’existerait-il pas de règles à respecter par la presse dite de divertissement? Pareils médias ne seraient pas assez sérieux pour être pris en compte par ceux qui organisent et tentent de faire respecter la déontologie journalistique?

Poursuite de la non information des lecteurs

Au moment où Spirou arrête la prépublication, sujet de la plainte de la L.U.C., Dupuis et Dargaud-Lombard ont caché à Isabelle Franquin pendant cinq ans ce projet de nouvelle BD, selon le constat de l’arbitrage qui sera révélé ultérieurement (en mai 2023).
Or, la convention de 2016 leur imposait d’informer celle-ci, tous les 6 mois, de tous les projets en cours.
De plus, ils n’ont pas non plus communiqué à Isabelle Franquin de délai pour faire valoir ses observations en lui transmettant les essais de planches en décembre 2021 alors que cette convention l’impose également.
L’avocate qui la défend, maître Martine Berwette, précise : « Isabelle Franquin doit être systématiquement informée tous les six mois de l’ensemble des projets en cours. Elle doit recevoir toutes les versions achevées des planches définitives en couleur. L’arbitrage (dont les résultats sont annoncés en mai 2023) a acté que cela n’a pas été le cas pour l’album de Delaf. Elle n’a reçu que des feuillets pour la plupart inachevés dans des chemises en plastique et n’a, à ce jour, encore jamais vu l’album du Retour de Lagaffe terminé! ».
Le Soir du 31 mai 2023 publie d’ailleurs un de ces projets de planches avec, au bas, dans la marge, une annotation du dessinateur : « Je vois quelques façons d’améliorer ce gag. Je ferai peut-être certaines retouches au scénario ». Ailleurs, Delaf, dans cette version, indique aussi son intention de «recrayonner» certaines pages, voire de les redessiner.

La sentence de l’arbitrage qui oppose Dupuis et Isabelle Franquin estime, le 30 mai 2023, que son père n’a pas été univoque dans ses déclarations et que ce doit être donc l’écrit de 1992 qui doit prévaloir. Par ailleurs, l’héritière s’y voit confortée dans son droit moral. L’éditeur doit lui soumettre chacun des nouveaux gags de Gaston Lagaffe pour qu’elle puisse justifier « de manière objective » si le repreneur du personnage ne porte pas atteinte à la dimension éthique et artistique de l’univers créé par son père.

L’album scénarisé et dessiné par Delaf paraît le 22 novembre 2023.
La prépublication recommence dans le Spirou du 23 août 2023 (N° 4454).
La couverture de l’hebdomadaire est consacrée à une dessin humoristique où Prunelle, le supérieur hiérarchique de Gaston, voyant arriver le héros gaffeur, lâche un « Rogntudju! Il (re) revient». Pas un mot de plus. C’est la page 39 (sur 52) qui accueille le gag, celui portant le numéro 4.
Aucune excuse, maintenant que le conflit se termine, et pas une phrase d’explication concernant ce retour, même pas dans les pages qui contiennent du rédactionnel écrit dans ce numéro.

Quel mépris tout particulièrement pour les lecteurs qui se sont abonnés en avril 2022 pour voir notamment se concrétiser l’annonce, à l’époque, d’un gag de Gaston par semaine, et qui s’interrompit si vite, et déjà sans excuse, ni explication, par un « Pchittt ».

 



dimanche 10 septembre 2023

Comparer les prix culturels: de + en + compliqué

Elle a eu un effet immédiat, notre carte blanche publiée le 5 juillet 2023 dans Le Soir et La Libre, «Pour des préventes pas avant six mois» :
http://la-luc.blogspot.com/2023/09/pour-des-preventes-pas-avant-6-mois-en.html

Le cabinet du ministre des affaires économiques fédéral Dermagne (socialiste) a contacté la L.U.C. très rapidement. Une réflexion est en cours. Peut-être que la législation pourrait ainsi évoluer en faveur des usagers culturels, et ce, avant les prochaines élections.

Pour préparer une prochaine réunion de travail, la L.U.C. a rédigé l’article suivant.

La connaissance du prix est l’une des informations que le consommateur a le droit de découvrir avant tout achat.
Certains vendeurs, et d’autant plus si leur tarification est élevée, ont tout intérêt à préciser ce renseignement le plus tard possible, et surtout quand le candidat acheteur a été mis le plus en appétit via, par exemple, sa découverte du site internet dédié à l’activité en question.
Qu’en est-il dans le secteur culturel? Cette connaissance de la tarification, telle qu’elle est appliquée, nous permet-elle encore de comparer facilement différents prix?

Remplacé par les sponsors?

En fait, au fil des décennies, ces indications de tarification ont progressivement disparu des affiches présentes dans l’espace public au profit de la présentation de plus en plus envahissante sur celles-ci des sigles des sponsors.

Par exemple, la promotion du 45ème festival « Jazz in Marciac », édition 2023 (voir photo), aligne les sigles de 46 mécènes sur un large espace où une tarification détaillée aurait eu toute sa place.

Comptez le nombre de signes de sponsors sur cette affiche!

Mais on peut les lire sur internet…

On mentionnait les prix autrefois? Souvent, et de façon détaillée.
Par exemple, pour l’unique journée de la deuxième édition du festival de Huy « Le Parapluie des Vedettes », le 29 mai 1965, sont annoncés Claude François, Annie Cordy, Dick Rivers, Michèle Torr (chacun avec leur accompagnateur ou leur orchestre), Fernand Raynaud, et une douzaine d’autres artistes ou groupes moins connus. L’affiche indique : « Prix des places: 50, 60, 80, 100, 120, 150 frs ».

On peut remonter aux années 1900 et nombre d’affiches de l’époque témoignent. Année après année, celles du Salon annuel de la Libre Esthétique (arts graphiques - arts plastiques) au musée Moderne (voir photo) indiquent un prix d’entrée à 1 franc ainsi que « le dimanche 50 cents, le jour de l’ouverture 5 francs, carte permanente 10 francs ».

Par la suite, certains organisateurs préférèrent parfois proposer sur leur matériel de promotion un numéro de téléphone où le visiteur potentiel pourra recevoir ces informations tarifaires. S’il s’agit d’un appel surtaxé, cela signifie que la simple connaissance du prix devient alors elle-même une marchandise qui se monnaie.

Dorénavant, on indique sur une affiche l’adresse d’un site internet qui permet d’avoir accès à la tarification. Bien sûr, cela pousse le public à entamer une démarche active. Son espoir d’assister à cette activité culturelle prend ainsi assurance, se renforce. Peut-être, même si le prix est élevé, qu’il l’acceptera plus facilement lorsqu’il le découvrira sur son écran, alors que s’il en avait pris connaissance sur la vitrine ou la porte d’entrée d’un de ses commerces préférés, il aurait tourné les talons illico.

Le fait de comparer des prix est plus aisé sur la voie publique puisque les activités d’organisateurs bien différents s’y côtoient alors que, sur internet, l’usager part à la recherche en général que de ce qui le passionne. S’il s’intéresse aux festivals d’été, il a peu de chance de pouvoir comparer le prix de ce type d’entrées avec, par exemple, celle d’un concert programmé par un petit lieu à chansons ou par une salle de théâtre expérimentale.

Années 1900: on indique même le prix pour le jour de l’ouverture du Salon annuel…

Par exemple, les expos immersives

Exercice pratique : vous vous promenez fin juillet 2023 en rue à Bruxelles. Vous découvrez deux affiches placées l’une à côté de l’autre, parmi d'autres, sur un panneau. Aucune indication de prix (constatez que ces affiches continuent d’exister et donc qu’elles sont vues, les organisateurs n’étant pas irresponsables au point de financer pareille promo si elle n’était pas efficace) .
La première concerne l’exposition immersive internationale consacrée à Van Gogh, et la seconde, celle du Design Museum (voir nos photos).
Via votre ordi ou votre téléphone, vous comparez les prix. Ce n’est qu’à ce moment-là que vous découvrirez de fortes différences.
L’entrée plein tarif pour la première est fixée à 16 euros en semaine, et 18, en week-ends.
Pour la seconde, il y a un prix unique (pour le fond permanents et les expositions temporaires): 10 euros.
D’où l’utilité de pouvoir comparer à nouveau les prix dans l’espace public.

Impossible de découvrir en regardant les affiches que les prix des tickets de l’exposition Van Gogh sont bien plus élevés que ceux du Design Museum.

Les prix chers sont ainsi banalisés

Dès le départ, la tarification de base pour les expos immersives (sans la présence d’œuvres) comme celle sur Van Gogh a été bien plus élevée que le prix habituel d’une entrée pour un musée ou une exposition (avec la présence d’œuvres) ou pour une séance de cinéma dans un complexe commercial (environ 12 euros, en 2023).

Une partie du très vaste public ainsi conquis ne fréquente pas les expositions plus traditionnelles, ignore donc les différences de prix et croit que celui dont il doit s’acquitter correspond aux lois du marché. La quasi impossibilité de comparer lui est donc défavorable.

Le succès parfois foudroyant en terme de fréquentation de ce nouveau type de production peut provenir des campagnes promotionnelles massives que nombre d’autres initiatives culturelles ne peuvent se permettre (sur les réseaux sociaux, par l’affichage en rue, dans les médias).

En général, ces activités disposent en effet de beaucoup de rentrées financières.
Lorsque l’investissement de matériel de base est amorti (notamment les appareillages pour le son, la lumière et les projections), la production de ces spectacles est limitée économiquement car la plupart des thématiques sélectionnées visent surtout des œuvres d’artistes tombées dans le domaine public et aussi parce que nombre de ces activités amortissent bien des frais fixes dans des tournées de type internationale durant plusieurs années (notamment celle sur Van Gogh).

Les populations les moins aisées qui doivent être attentives à toute dépense sont les premières victimes de ces évaporations de mentions de prix, et donc de la possibilité de comparer, un peu comme lorsqu’on fait ses courses alimentaires.
Ne fut-ce que pour soutenir celles-ci, il est indispensable qu’une réflexion sur la comparaison des prix en culture émerge dans nos débats et combats sociaux, économiques et politiques.

 

«Rien n’explique les différences»

Un exercice pratique? La page facebook de « La Ligue des Usagers Culturels » reçoit la plainte suivante de Luc le 30 juillet 2023. Elle est totalement justifiée.

La voici : «Bonjour. Je ne pense pas que l'on se connaisse, mais je vous suis depuis longtemps. Je voudrais vous soumettre quelque chose contre quoi vous luttez depuis longtemps: le prix d'entrée pour certaines activités.
Si vous considérez que ce sujet ne vous concerne pas, excusez-moi le dérangement et faites comme si je ne vous avais pas écrit. Il s'agit de l'activité Bubble Planet qui a lieu pour le moment à Tour & Taxi.
J'ai vu sur le site le prix de l'entrée à 11€ ou 14€. Mais, dès le moment où l'on désire acheter les billets, les prix fluctuent de 16,90€ à 20,90€ en fonction des jours choisis.
Mais rien n'explique pourquoi ces différences. Merci d'avance et bravo pour ce que vous faites afin que la culture soit (vraiment) accessible à tous».

Trois constats accablants

Le 2 août 2023 vers 12H, Nous vérifions les données de cette plainte à partir du site de l’activité dénoncée :
https://feverup.com/m/119964?cp_landing_source=bubbleworld&utm_source=google&utm_campaign=119964_bru&utm_medium=sc&cp_landing_term=cta_tickets&cp_landing=cta_tickets&_gl=1*1mz43yx*_ga*MTY2ODYxMjcyOC4xNjkwOTY5NDIw*_ga_SR98MF4K19*MTY5MDk2OTQyMC4xLjAuMTY5MDk2OTQyMC42MC4wLjA.&_ga=2.107865924.7700087.1690969421-1668612728.1690969420


1 : Dans les «Infos pratiques», on lit en tout et pour tout, concernant la tarification : «Prix: à partir de 10,9€ pour un enfant et 13,90€ pour un adulte».

2 : Dans une seconde rubrique «L’expérience a ouvert ses portes, achète tes billets maintenant» , il est indiqué «Billets pour Bubble Planet à Bruxelles» suivi de «Entrée standard- inclut l’entrée à l’exposition». Les deux phrases sont suivies d’une série de catégories de personnes : adulte, enfant, militaire, etc. Mais sans aucune mention de prix.

3 : Aucune autre information sur les prix et pour tenter d’en savoir plus, il faut cliquer sur le bouton bleu «Réserve ta place».

Là, la seule façon d’en savoir davantage consiste à choisir la journée où on est censé venir. J’opte pour le vendredi 11 août 2023, et apparaissent enfin des prix précis. Pour le ticket adulte, c’est 18,90€.

Dans ce cas de figure, on est en semaine. Ma curiosité me pousse à revenir en arrière pour cliquer sur un jour de week-end (acte que tout usager ne fait pas nécessairement!). Je choisis le dimanche 23 août 2023. Le ticket adulte monte alors à 20,90€.

Je fais une recherche plus approfondie. Je découvre qu’on a intérêt à choisir le lundi 21 août qui, lui, propose 16,90€ pour un ticket adulte. Tous les lundis pratiqueraient cet avantage? Voyons donc un jour de congé légal, le lundi 15 août 2023 : le ticket est remonté à 20,90€ .

4 : J’ai beau chercher, je ne trouve nulle part un prix du ticket pour adulte comme annoncé en bonne place sur le site : «à partir de 13,90€». Les seuls prix découverts au moment d’acheter mon ticket sont, pour les adultes: 16,90€ ; 18,90€ et 20,90€ . On retrouve exactement la même stratégie pour la fixation et l’indication des réductions.

5 : Constatons enfin que l’organisateur ose omettre toute explication du pourquoi de ces fluctuations tarifaires. Quel mépris à l’égard de son si cher public.

Trois propositions

1 : Exiger du pouvoir législatif à un niveau fédéral, et pourquoi pas à un niveau européen, que toute activité culturelle doive proposer une tarification COMPLÈTE et AVANT que l’usager n’ait commencé sa démarche d’acheter un ticket (sélectionner une date s’apparente à la démarche d’acheter un ticket, et donc c’est trop tard).

Cette obligation existe déjà partiellement en Fédération Wallonie Bruxelles. Pour + de 3.000 diffuseurs culturels qui y sont subsidiés. Ceux-ci sont obligés, déjà depuis 2006 (et cette règle a été réaffirmée en décembre 2023), de respecter le Code, dont ses points 2 et 5 : https://www.culture.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=585202c32356d68ca00c6a9dc87a53e7df3a5974&file=fileadmin/sites/culture/upload/culture_super_editor/culture_editor/documents/Documents_utiles/Droits_des_usagers_et_publics_de_la_Culture/202211-A3-codeusagers-web.pdf

2 : Exiger, de la même façon, qu’une tarification complète, si elle utilise l’expression «à partir de … €»  doive obligatoirement terminer la phrase qui contient cette expression par un «et au maximum : …€».

3 : Rappeler que l’une des rares façons de pouvoir se positionner par rapport à l’augmentation des prix culturels est d’appliquer strictement une présentation détaillée des prix car elle rend possible le droit du public à comparer les prix de diverses activités, droit essentiel et tout particulièrement pour les publics les plus précaires qui, eux aussi, doivent pouvoir avoir accès à la culture, et à la diversité de celle-ci.

Pour terminer, constatons que ces propositions d’une réglementation plus précise doivent plaire et être fort utiles aux organisateurs qui respectent leur public. Et ils sont sans doute plus nombreux que beaucoup ne l’imaginent. Nos ministres devraient également être attentifs à eux.



Chez «Buble Planet Expérience», les places pour adultes ont en prix différents selon le jour de votre visite (ici, le vendredi 11 et le dimanche 13). Idem pour les réductions. Mais qui va faire la démarche de choisir plusieurs jours pour découvrir s’il existe des différences? Ces différences doivent pouvoir être connues clairement par l’usager avant que l’organisateur lui demande de proposer son choix de date.

mardi 5 septembre 2023

Pour des préventes pas avant 6 mois en Europe

Fait très rare, la « carte blanche » du président de la L.U.C est parue dans deux quotidiens belges, le 5 juillet 2023.

Dans le journal papier (sur une page et demi) et sur le site de « La Libre » : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2023/07/05/face-au-nombre-de-concerts-annules-il-est-temps-de-reglementer-la-prevente-des-evenements-culturels-QU5DNP2LQ5AX3A66GECCPXL3Y4/

Dans« Le Soir », uniquement sur son site:
https://www.lesoir.be/523667/article/2023-07-05/evenements-culturels-pour-une-reglementation-europeenne-en-matiere-de-preventes

Ce texte a une valeur historique. Son dernier paragraphe indique qu’enfin, en 2023, une députée demande au ministre des affaires économiques de réfléchir à limiter la prévente des spectacles à 6 mois.
Celui-ci répond qu’il est disposé à sonder le secteur ainsi que les associations de consommateurs.
Cela n’a peut-être l’air de rien car c’est bien une avancée car il n’a jamais été question de cela jusqu’à présent dans notre monde politique.

Les pages 34 et 35 de « La Libre » du 5 juillet 2023


Déjà il y a dix-sept ans, en 2006, celui qui deviendra plus tard président de la L.U.C., dans un entretien accordé à la revue du Conseil de la Musique revendique une prévente à six mois maximum, alors que les réservations, à l’époque, commençaient jusqu’à treize mois avant le déroulement de l’événement.
Lire ici: http://www.consoloisirs.be/textes/061015acroches.html

Bien entendu, on peut discuter du nombre de mois.
Ces six mois est une mesure moins radicale que certains l’imagineront sûrement . En effet, un chanteur belge de notoriété importante et connu également pour ses combats en faveur des droits des créateurs, Claude Semal, dans un entretien paru récemment, considére que ces six mois sont déjà ce délai trop long (16 juin 2023, dans L’Asymptomatique: https://www.asymptomatique.be/good-luck-la-l-u-c/).

Concernent le pic de 19 mois pour le début de la réservation pour la tournée de Stromae (qui a été ensuite annulée en 2023), le L.U.C. avait traité et dénoncé ce fait  en son temps : http://la-luc.blogspot.com/2022/02/debut-des-preventes-de-en-tot.html

Ces dix-neuf mois concrètement, c’est le fait que vous êtes célibataire, vous ne connaissez pas encore votre futur(e) conjoint(e), vous achetez un ticket… mais vous devrez l’utiliser seul(e) car, entretemps, tous les tickets sont vendus (ou revendus à un prix dissuasif au marché noir de noir), vous vous êtes marié (ou pas) et un deuxième enfant est attendu. Vous me direz que l’autre membre du couple peut garder ce soir-là l’enfant déjà né. Hélas, vous êtes déjà séparés… Fable absurde pour concrétiser l’absurdité d’une telle précocité.

Enfin, n’oublions surtout pas qu’il n’existe aucun manque d’imagination quand il s’agit de faire banquer ses usagers. La vente des tickets peut parfois connaître des règles complémentaires plutôt abjectes.

Voici un rappel historique sans doute pas inutile. La tournée américaine de Michaël Jackson et de ses frères en 1984 fonctionnait sous forme de vente par correspondance par l’achat d’au moins 4 tickets (soit quatre fois 30 dollars).
On ne choisit pas sa place car celle-ci est attribuée par un tirage au sort réalisé par un ordinateur.
La règle prévue, en cas de surchauffe d’affluence, est que les personnes qui n’ont pas la chance de voir leurs tickets attribués seront remboursés deux mois après (ce qui était important à l’époque) mais celles-ci ne toucheront bien entendu pas l’équivalent des intérêts bancaires du placement de leur argent.
Et tout cela pour peut-être voir quoi?
Un spectacle intitulé « Victory » du nom du nouveau 33 tours que Michaël Jackson venait de réaliser avec sa famille, un spectacle dans lequel, malgré son titre, aucune chanson dudit 33 tours n’était programmée.

Voici le texte de cette « Carte blanche »

En Europe, ce sont plus d’un demi-million de spectateurs qui ont été déçus par l’annulation de 46 dates de la tournée « Multitude » de Stromae. Un peu plus tard, également pour des raisons de santé, Céline Dion, Jane Birkin, Lewis Capaldi et Madonna ont fait faux bond.

Il nous revient  tout d'abord de  témoigner de notre empathie à l’égard de ces artistes ainsi qu'aux équipes qu’ils ont choisis pour travailler avec eux, mais il convient aussi de trouver des pistes de solution à long terme pour tenter de réduire tant que possible la cavalcade des annulations ou reports de concerts.

En effet, la situation ne va sans doute pas s’améliorer puisque la pression sur l’organisation des concerts se fait de plus en plus tendue, le monde musical ayant progressivement transféré à ceux-ci la source principale de ses revenus qui naguère était détenue principalement par la vente et la location de supports sonores.

Un piste majeure à investiguer est une régulation au niveau européen des préventes.
Constatons que pour les exemples cités, elles furent des plus hâtives. Notamment un pic de 19 mois pour Stromae.

Cette option pourrait d’ailleurs se coupler avec deux autres mesures à envisager également :
 -  en plus du ticket, rembourser les frais d’hôtel et de transports, ces dépenses connexes devenues obsolètes pour des usagers habitant loin du lieu du concert;
 -  créer un droit pour le public, celui de connaître les causes officielles du non déroulement à la date prévue de l’activité.

 Préventes: de 4 à 19 mois

En 1988, soit il y a trente-cinq ans,  l’un de nos quotidiens trouvait excessive la location de 4 concerts de Pierre Rapsat au Cirque Royal car elle débutait quatre mois avant le déroulement de l’activité. En 2006, des critiques analogues s’élevaient contre 13 mois de réservation.

Plus tôt la réservation commence et plus il y a de raisons à annuler ou reporter.
On s’approche aujourd’hui d’un démarrage des locations deux ans avant l’événement.
Si, pour respecter la liberté de commercer, il n’est pas envisageable d’agir par une règlementation sur l’escalade des prix, par contre, réguler les débuts des préventes devrait s’envisager car il y a, lorsqu’on atteint de tels excès, un obstacle complémentaire qui peut rendre la culture, ce bien pour tous, inaccessible aux moins nantis.

De plus, la prévente de plus en plus tôt constitue une forme de concurrence déloyale de la part de grands organisateurs qui les appliquent car, bien souvent, les organisateurs de plus petite taille, pour leur spectacle se déroulant à la même date, n’ont pas la force de frappe pour une annonce de leur activité au public aussi précoce.

Par ailleurs, il faut convenir que le public a ainsi de moins en moins la possibilité de choisir parmi la diversité culturelle se déployant au cours d’une même journée. Si vous apprenez six mois avant son jour J le déroulement d’une activité régionale qui vous tient encore davantage à cœur, vous ne pourrez y aller, puisque vous avez déjà acquis le ticket souvent bien plus cher du méga spectacle.

Ouvrir si tôt les réservations a une autre conséquence: car elle mène  petit à petit certains organisateurs à ne pas avoir tendance à respecter un autre droit de leur public, celui de connaître le contenu détaillé avant l’achat du service.

Pareille pratique est pourtant susceptible de constituer une pratique commerciale déloyale au sens du Code de droit économique. Par exemple; il n’est pas normal que des festivals d’été distillent au fil des semaines les annonces de la venue de tel ou tel artiste dans leur activité.

Le public doit souvent attendre les derniers jours qui précèdent le festival pour faire leur choix, s’il reste de la place, et, entretemps, certains prix comme ceux des pass auront peut-être augmenté. Ainsi, en culture, prendre connaissance de tous les « ingrédients » peut même donc coûter au public.

Pour la 17ème édition du Tomorrowland (21-30 juillet), les organisateurs ont d’abord réservé la moitié des billets aux festivaliers belges et aux habitants des communes environnantes. Ces billets ont tous été vendus durant la matinée du 28 janvier. Mais l’affiche complète ne sera dévoilée que plus tard dans cette même journée lorsque la réservation internationale commence. Le succès indéniable de ce festival ne justifie pourtant pas le fait que le public qui va y participer n’ait pas le droit de connaître son contenu détaillé avant d’acheter son ticket, ne fut-ce que pour choisir le ou les jours où il préfère s’y rendre.

Pour une règlementation européenne

Une législation européenne pourrait permettre aux usagers culturels de se voir traiter de la même façon, et si possible de la meilleure, quelle que soit le pays où l’activité a lieu.

L’exemple suivant est éloquent. Pour les remboursements liés à l’arrêt de la tournée de Stromae, les acheteurs de tickets pour les concerts bruxellois ont été remboursés dans les jours qui ont suivi l’annonce de l’annulation, sans entreprendre aucune autre formalité. Par contre, en France, le jour de l’annonce de l’annulation de la tournée est envoyé un courriel détaillant tout un processus à mener en 2 semaines pour que leur demande de remboursement soit « valable ». Ce message indique que les «  clients » risquent bien de devoir attendre longtemps leur remboursement. L’inquiétude de certains acheteurs prendra fin un peu moins d’un mois plus tard.

Nous proposons que les droits du public culturel s’invitent dans les programmes des partis politiques pour les prochaines élections européennes et qu’il soit question d’une prévente qui ne débuterait pas plus de 6 mois avant le début de l’activité et à partir du moment où son programme détaillé est public

Interpellé récemment par la députée Sophie Rohonyi (DéFI) sur ce thème au Parlement fédéral , le ministre Pierre-Yves Dermagne a indiqué qu’il  y a une exception culturelle à garantir dans toute une série d’aspects, et notamment celui de l’accessibilité à la culture: « Les consommateurs ne sont sans doute pas toujours suffisamment protégés. Il faut voir ce qui peut être fait à un niveau européen. Je suis disposé à sonder le secteur ainsi que les associations de défense des consommateurs ».

Nous attendons donc que le ministre lance les invitations.



mardi 6 juin 2023

Michel Draguet: Pourquoi un bilan que partiel?

Michel Draguet a dirigé pendant dix-huit ans, de 2005 à 2013, le plus grand ensemble de musées fédéraux belges : actuellement, le musée d’Art Ancien, le musée Fin de Siècle, le musée Magritte, le musée d’Art Moderne (évaporé depuis longtemps), le musée Antoine Wiertz et le musée Constantin Meunier.

Le 25 avril 2023, la presse a annoncé que son mandat s’achève, le 30 avril 2023. Cette décision fait suite à de nombreuses critiques sur les relations avec son personnel qui ont été longuement et à plusieurs reprises détaillés par un grand nombre de nos médias.

Cet aspect d’une gestion est bien entendu capital et il faut également s’intéresser à d’autres aspects du travail de direction puisque ces six musées ne sont pas de simple hangars de rangement mais sont gérés pour que les œuvres soient accessibles au public. Qu’en est-il donc du respect de ce directeur à l’égard de ses visiteurs?

Comme la presse faisait l’impasse sur ce point de vue, la Ligue des Usagers Culturels l’a travaillé à destination des autorités qui veillent aux destinées de nos musées fédéraux et des médias.

Le site de l’hebdomadaire « le Vif »

«Michel Draguet aime-t-il des visiteurs?»

Dès le 22 février 2023, le site du Vif a publié la carte blanche du président de la L.U.C. intitulée «Michel Draguet aime-t-il ses visiteurs?».

Deux exemples y détaillent la façon dont les visiteurs ont été régulièrement malmenés sous ce «règne».

Tout d’abord, il y est question d’un exemple de discrimination de la population active : «L’une des pires atteintes aux droits du public culturel est de l’empêcher de participer structurellement à une activité. C’est le cas des Musées Constantin Meunier et Antoine Wiertz qui appartiennent aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB). La population active – travailleurs et étudiants – ne peut, en raison des horaires pratiqués, visiter ces deux institutions, si ce n’est en rognant sur ses jours de congés légaux. Ces deux musées sont, en effet, fermés tous les week-ends et jours fériées. Du mardi au vendredi, ils sont accessibles de 10h à 17h, mais ils sont clos pendant le temps de midi.
Une pétition «Stop à l’asphyxie des musées Meunier et Wiertz» a été lancée et a recueilli plus de 3 000 signatures: https://www.change.org/p/michel-draguet-stop-à-l-asphyxie-de-musées-constantin-meunier-et-antoine-wiertz
Hélas, la situation n’a pas évolué en près de sept ans. Les éternels arguments relatifs à la «diminution des aides de l’état» et au «manque de gardiens» nous ont bien sûr été opposés, mais c’est le silence qui a accueilli ensuite nos réactions argumentées. Tout débat contradictoire et toute négociation s’avèrent impossibles. Cette situation qui discrimine plus de la moitié de nos concitoyens se poursuit.
Pourtant notre revendication est minimaliste : nous demandons que tous les musées soient obligés de prévoir dans leur horaire mensuel au moins une plage accessible notamment à «population active» (en week-end ou une nocturne).


L’atelier dans la maison où habitait le célèbre peintre et sculpteur Constantin Meunier


Le second exemple détaillé dans cette carte blanche est intitulé «Interdit de dessiner au musée». Il n’est pas exempt, de la part de la direction des MRBAB, de cynisme et de mépris à l’égard des usagers.
« Dès 2012, nous avons relayé la plainte d’une visiteuse qui s’est vue refuser le droit de prendre des notes et de dessiner avec un crayon sur une feuille de papier A4 au Musée Magritte. Cette interdiction ne lui avait pas été signifiée avant qu’elle n’achète son ticket. Il s’agit d’une simple visiteuse et non d’une étudiante en art.

Le refus de rembourser son ticket et la médiatisation de cet incident ont eu pour conséquence la prise de conscience de journalistes français, outrés par ce type d’interdiction qui va à l’encontre de tout travail d’éveil actif et participatif à la culture. Le site Louvre pour tous a réalisé un reportage détaillé sur ce fait: http://www.louvrepourtous.fr/Ces-musees-belges-qui-interdisent,788.html
Avec cette information inédite : «Nous avons contacté la Fondation Magritte, partenaire privilégiée du musée dès sa création… À notre grand étonnement, on nous a répondu personnellement, nous signifiant très clairement au sujet de la prise de notes et de croquis : nous n’avons jamais, et en aucun cas, interdit quoi que ce soit dans un sens ou dans un autre».

Par la suite, le site de l’hebdomadaire culturel français Télérama a dénoncé à son tour l’attitude du Musée Magritte, ce qui fit à ce dernier une bien mauvaise publicité.
Dès le lendemain de cette publication, la presse belge a relayé la plainte. Les MRBAB ont alors annoncé la fin de l’interdiction. Le 4 février 2016, on expliquait, au Musée Magritte, que, désormais, la prise de notes et de photographies par les visiteurs était autorisée, à l’exception de quelques œuvres signalées par le pictogramme d’un appareil photo barré: http://www.louvrepourtous.fr/Le-musee-Magritte-autorise-enfin,795.html

Toutefois, discrètement, les MRBAB ont par la suite mangé leur chapeau. Nous découvrons le pot aux roses en 2021: un visiteur nous écrit pour s’étonner que son enfant s’y est fait interdire de dessiner dans une exposition temporaire. Comme quoi, les avancées sont bien fragiles.
Pourquoi cette interdiction vise seulement le Musée Magritte et les expositions, et non les quatre autres musées des MRBAB ? Peut-être parce qu’ils attirent davantage de public. Il faut donc éviter structurellement tout obstacle qui pourrait ralentir le flot des visiteurs, afin de ne pas restreindre la vente des tickets».

La tribune publiée dans Le Vif se termine par une proposition de solution pour tenter de mettre fin à pareils abus à l’égard des visiteurs : https://www.levif.be/opinions/cartes-blanches/musees-des-beaux-arts-michel-draguet-aime-t-il-ses-visiteurs/?fbclid=IwAR0i3EAnBUJ9HEFztoAeueDneBxkgQB8swU2Ao97YWyiaXUAvWmodyOszyA

Un troisième exemple

Les cartes blanches que publie la presse ne pouvant dépasser un certain nombre de signes, d’autres exemples ne purent y être développés.

Alors, la L.U.C. a fait parvenir aux autorités (le Secrétaire d’État Thomas Dermine et à la direction de BELSPO, Arnaud Vajda), en plus du texte du Vif, un troisième témoignage.

Un article paru dans le quotidien « la Capitale »


Le président de la L.U.C. leur écrit : «Voici une évolution qui me semble contestable du Règlement des Visiteurs des MRBAB. Elle fait suite au remboursement de mon ticket après plus d’une année de plainte aux MRBAB eux-mêmes et suite au recours au Médiateur fédéral pour le fait que les visiteurs ne disposaient pas, avant paiement de leur ticket, d’une annonce précise du fait que des œuvres maîtresses de Magritte de la collection n’étaient pas exposés au Musée Magritte et, de plus, sans en leur citer les titres.


Voici ces deux nouveaux textes du « Règlement des Visiteurs » des MRBAB :

  1. «La fermeture momentanée de certaines salles ou l’absence ponctuelle de certaines oeuvres d’art (en déplacement ou en restauration) ne donne droit ni au remboursement, ni à une réduction du billet d’entrée».

  2. «Si les visiteurs se rendent dans les musées pour voir une œuvre d’art en particulier, les MRBAB leur recommandent vivement de consulter au préalable le site internet sous l’onglet «Collections» afin de s’assurer de la présence de l’œuvre d’art aux musées».

Le 21 juin 2021, RTL TVi diffuse au prime time, dans «Images à l’appui» un reportage sur la résolution de cette plainte : https://www.facebook.com/watch/?v=287572189455953
Inga Rossi-Schrimpf, directrice Collection et Recherche du Musée Magritte, y constate que dix-sept œuvres ont quitté les cimaises de son institution pour être exposées à Paris. Au début de la file des visiteurs qui vont payer leur entrée, un panneau indique qu’on peut demander la liste «complète et détaillée» de celle-ci au comptoir. Dans le reportage, on voit la caissière qui donne la liste à la directrice et un plan rapproché permet au téléspectateur d’observer ce qui lui est présenté comme étant la feuille avec la liste des œuvres manquantes.

Ce reportage est, en fait,  un «suivi» pour voir s’il y a eu une évolution dans la problématique proposée. Voici le reportage initial de RTL TVi qui montrait la situation dans sa phase antérieure. Cette autre séquence de « Images à l’appui » a été diffusée le 1er mars 2019: https://www.facebook.com/imagesalappui/posts/2550633081620735
Le second reportage semble n’être qu’une mise en scène pour la caméra car cette façon de respecter le droit du public à être informé ne sera pas appliqué par la suite de façon généralisée, ce qui était pourtant le but de la plainte et de la longue médiation.

En effet, je vais prouver que ces règles ne sont pas respectées lors de l’absence de la toile «Le calvaire breton» de Gauguin au Musée Fin de Siècle. En fait, cette peinture a été enlevée temporairement des cimaises pour être exposée au Museum Ordrupgaard, du 21 janvier au 9 mai 2022. Cette absence n’était ni indiquée au visiteur qui va payer son ticket à l’accueil, ni à ceux qui préparent leur venue en s’informant sur le site internet des MRBAB sous l’onglet «Collections». Après avoir dû recourir aux services du Médiateur Fédéral, j’ai finalement vu mon ticket être remboursé.

La suite? Le règlement change à nouveau. Son texte ne correspond donc plus au résultat de la médiation… Est-ce normal?

Surtout parce que cette nouvelle « solution » me semble bien plus compliquée, voire aléatoire, pour le visiteur. Il n’est plus question, pour lui, de consulter sur le site, mais il faut écrire ou téléphoner (téléphone ne laissera probablement pas de trace, en cas d’erreur par le personnel).
Pire encore. Quand le visiteur paie son ticket à l’entrée du musée, rien n’y indique plus le fait qu’il peut demander au personnel, au comptoir, la liste des œuvres qui ne sont pas exposées.
D’ailleurs ce dernier point qui semblait être un acquis utile pour le visiteur dans le reportage (fiction?) de RTL TVI n’est même pas mentionné dans le «Règlement des Visiteurs» des MRBAB. Un règlement que pour les devoirs, et rien sur les droits du public?  Mensonge par omission?

Voilà le nouveau texte : «Si les visiteurs se rendent dans les musées pour voir une œuvre d’art en particulier, les musées leur recommandent vivement de contacter au préalable le site conservation et recherche afin de s’assurer de la présence de l’œuvre d’art au musées par e-mail via info@fine-arts-museum.be ou par téléphone au 32(0)2/508.33.53».
Voir l’article 3 du règlement des visiteurs (que j’ai lu le 2 février 2023) : https://fine-arts-museum.be/uploads/pages/files/20220614_reglement_du_visiteur.pdf

Il y a donc actuellement un non respect unilatéral par la Direction des MRBAB du résultat de la médiation menée par le Médiateur Fédéral et qui était pourtant acceptée de part et d’autre.

L’absence de la peinture de Gauguin n’est pas annoncée avant que le visiteur ne paie son entrée, mais bien après.

Sous cloche : l’accueil des visiteurs

Puisque notre association d’usagers n’est pas invitée aux conférences de presse de nos autorités fédérales et ne reçoit pas leurs communiqués de presse (ce qui constitue un problème en soi), la L.U.C. se base donc sur ce que la presse rapporte.

Dans le cas présent, notre analyse repose sur les articles d’Alain Lallemand et de Guy Duplat parus le 25 avril 2023 respectivement dans Le Soir et La Libre, ainsi que les textes de Françoise Baré diffusés par la RTBF, la veille : https://www.rtbf.be/article/michel-draguet-ne-sera-plus-le-directeur-des-musees-royaux-des-beaux-arts-11187479

Dans les commentaires sur l’évaluation faite à propos du travail de Michel Draguet, il est beaucoup question d’attaques au bien être de son personnel, problématique à propos de laquelle il est bien entendu indispensable d’investiguer.
Mais pas un mot sur son rapport aux visiteurs, comme si la L.U.C. n’avait jamais fait part des trois exemples longuement argumentés à nos autorités (lire ci-dessus) et comme si la tribune publiée par Le Vif était passée comme une créance au compte de pertes et profits.

Alors, il est question des visiteurs, mais pas concernant leur accueil. Le Secrétaire d’État Thomas Dermine note : « Sous l’impulsion de Michel Draguet, les musées Royaux ont connu une importante augmentation de nombre de visiteurs ». Aucun résultat précis chiffré ne nous est proposé pour prouver cette assertion.

N’y-a-t-il pas une confusion entre cette «augmentation du nombre ce visiteurs» et une augmentation du nombre de tickets?
Pour rappel, quatre ans après sa nomination, le nombre de tickets a commencé à sensiblement augmenter, et pas nécessairement d’autant, le nombre de visiteurs.
En effet, avant l’ouverture du musée Magritte en 2009, l’ensemble des œuvres d’art ancien et d’art moderne, dont la collection des Magritte, dans tous les bâtiments des MRBAB sis rue de la Régence, se visitaient gratuitement tous les jours, puis avec un seul ticket (à 5 euros à l’époque) pour l’ensemble.

Ensuite, on passe en quelques années de un à trois musées, dans le même lieu, avec des entrées séparées: le musée d’Art Ancien, le musée Magritte, le musée d’Art Moderne (remplacé ensuite par le musée de Fin de Siècle ).
Tout ceci est détaillé ici : http://www.consoloisirs.be/textes/090519carteblanchemagritte.html


Le constat principal réside dans le fait que le souci de l’accueil des visiteurs est à un tel point marginalisé, voir négligé, par nos autorités que, même lorsqu’une association militante et bénévole en démontre plusieurs écueils, il en est fait silence lors de la présentation de bilans au public.

Carte blanche parue dans Le Soir

Gratuité mensuelle: « une politique de droite » !!!

Les gratuités et les tarifications constituent un élément important dans une politique de démocratisation culturelle. Ce thème mérite aussi d’être abordé lors d’un bilan public.

Sur ce thème, le seul moment de débat contradictoire public dans la presse écrite que Michel Draguet a eu avec celui qui deviendra plus tard l’un des fondateurs, puis l’un des présidents de la L.U.C. fut la publication en 2006 par Le Soir de deux interviews faites séparément à propos des gratuités mensuelle « pour tous » dans les musées.

Que veut dire ce « pour tous »?
Pour le responsable des MRBAB, c’est le premier mercredi du mois entre 13H et 17H. Pour que notamment les écoles continuent à payer aussi ce jour-là, de 10H à 13H. Et pour que notre population active (travailleurs et étudiants) ne puisse pas en profiter.

Pour Bernard Hennebert, c’est un jour entier par mois (donc douze jours par an, pas plus) où la population active est d’habitude disponible.

Le Soir du 1er avril 2006 publie donc les déclarations de Michel Draguet sous un titre provocateur, «Sous l’apparence de la gauche, c’est une politique de droite », pointant plus précisément la gratuité du premier dimanche du mois existant en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Voici quelques extraits : «Ce que dit Bernard Hennebert, en fin de compte, c’est: venez vous épanouir gratuitement dans la maison de tous. D’accord, très bien. On ouvre le musée le dimanche, on y organise des actions pédagogiques pour le public, c’est merveilleux. Mais ce n’est pas chiffré (...). L’entrée est à 5 € seulement, et avec ça, les programmes sociaux existent, les programmes d’éducation, de pédagogie (...). Si on m’oblige à ouvrir gratuitement le dimanche, c’est mon meilleur jour de visite qui disparaît. Le « ticketing » du dimanche me permet de financer ces opérations pédagogiques et sociales. De plus, nos visiteurs du dimanche, ce sont des touristes, des Européens, des habitués. Pour eux, 5 € c’est dérisoire (...). Cette gratuité est généreuse, mais aveugle. C’est un libéralisme pur : on ouvre la porte et vient qui veut (...). Ce que je reproche aux tenants du gratuit, c’est que c’est la même formule pour tous. Et je dis que cette formule ne fera que permettre aux coutumiers de la culture de consommer gratuitement. Et pas aux SDF de venir au musée (...). Le tourisme culturel est un fameux enjeu, qui peut rapporter gros, mais qui nécessite des moyens financiers. Et la gratuité empêche d’avoir ces ambitions».

Si l’on comprend bien, il faut empêcher que la gratuité pour tous ne se déroule un jour où la population active peut se déplacer car cela va permettre d’économiser pour financer le tourisme culturel qui coûte cher à mettre en place. Comme si cet objectif était le principal à atteindre pour les MRBAB!
Si les visiteurs du dimanche sont surtout des Européens, des touristes et des habitués, quel aveu d’impuissance ! Les MRBAB semblent donc peu capables de toucher de façon significative la population autochtone, et même avec l’argument d’une journée de gratuité.
Lorsque le directeur reproche que ne soit pas chiffrée la demande de passer à une gratuité mensuelle selon un horaire accessible à la population active, il semble oublier, ce qui n’est pas bien pour un gestionnaire, la liste régulièrement médiatisée des éléments financiers positifs que sous-tend cette évolution : économies dues au fait qu’il n’y a plus d’achat et de contrôle de tickets; promotion possible des expositions temporaires (qui restent payantes) pourquoi pas avec une tarification attractive et auquel serait sensible un public qui, sinon, ne serait jamais venu; dons des visiteurs dans une tirelire présentée de façon attractive et placée à la sortie de l’institution; meilleurs rendements pour le restaurant, le café et le shop (s’ils ne sont pas, hélas, privatisés… ou fermés). Et surtout… création à moyen terme d’un public plus large, prêt à revenir par la suite, et pendant de nombreuses années, aux MRBAB, et ailleurs, les jours payants.
Pour Michel Draguet, en fait, la gratuité ne doit pas exister pour tous. Elle n’est pas un droit. Elle doit faire venir, pour être réussie, les SDF au musée (et, on suppose, les autres publics précarisés).
Ceux-ci viendraient apparemment plus facilement un mercredi qu’un dimanche après-midi ? Dans sa déclaration, il n’en apporte pas la preuve.

N’est pas signalé le fait que certains n’aiment pas montrer patte blanche pour avoir droit à une réduction et qu’une « gratuité pour tous » préserve leur anonymat. -

Enfin, puisque Michel Draguet se lance de façon hasardeuse dans une réflexion « droite-gauche » à sa sauce, il nous apparaît que lorsqu’on analyse en Europe la mise en place de gratuités dans différents pays, elles sont le résultat d’initiatives tant de pouvoirs politiques de gauche que de droite. Tout dépend de quelle gauche ou de quelle droite, d’ailleurs. Et que c’est souvent l’extrême-droite qui revient sur cet avantage lorsqu’elle arrive aux affaires.
Dans cet entretien tel que publié par Le Soir, il y a un grand absent : les résultats détaillés de la gratuité du premier mercredi du mois. Ce qu’elle coûte, ce qu’elle rapporte, son éventuel succès, et auprès de qui. Pourtant, ces sujets-là, on les impose toujours aux défenseurs d’une autre gratuité mensuelle, celle du premier dimanche… Un traitement médiatique inégalitaire ?

À ce propos, voici les résultats d’une enquête fort détaillée sur la fréquentation des premiers dimanche gratuits :
http://www.directionrecherche.cfwb.be/index.php?id=sr_detail&no_cache=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=2077&L=0&cHash=594ce376a3683f4b838714103ca2ea09

Ces déclarations faites en 2006 par Michel Draguet s’opposent donc frontalement aux gratuités mensuelles pour tous.
Dix-sept ans plus tard, il quitte donc les MRBAB et jusqu’à ce moment-là, il a pourtant continué de pratiquer cet avantage, chaque premier mercredi du mois après-midi, à l’inverse d’autres directions consœurs comme celle de cet autre musée fédéral qu’est le Musée Royal d’Afrique Centrale à Tervueren.
Allez donc comprendre!


Une photo prise quand les MRBAB ont daigné organiser une journée de gratuité « pour tous », un jour où la population active ne travaille pas… C’était pour ses 215 ans, le dimanche 27 novembre 2016, et ils ont accueilli 6.852 visiteurs.