Les musées doivent-ils préférer faire payer aux visiteurs l’audioguide en supplément ou l’intégrer au prix du ticket d’entrée?
Certains usagers n’ont pas toujours envie de l’utiliser. De plus, le nombre de langues dans lesquelles l’audioguide est disponible est, en général, limité.
Et si vous ne parlez qu’une autre langue non disponible, vous devrez payer également pour un service qui ne vous est pas rendu si le ticket d’entrée inclus l’usage de ce « guide sonore ».
la façade Art Nouveau du MIM : un ancien magasin Old England. |
Normalement…
Michel Draguet, le directeur général des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB), reconnait que le prix de l’entrée à l’exposition Andres Serano (14,5 euros) est «cher pour une famille ou des particuliers» dans un entretien qu’il accorde à Jonas Legge pour La Libre du 3 septembre 2016.
Et d’ajouter «Et n’oubliez pas que ces 14,5 euros comprenaient un audio guide».
Au journaliste qui lui rétorque que les visiteurs dans d’autres institutions peuvent louer l’audioguide à part pour 4 ou 5 euros et ainsi avoir le choix, le directeur déclare de façon étonnante : « Ce qui fait qu’on atteint les mêmes tarifs »… semblant oublier que l’on peut visiter une exposition sans ce soutien sonore et donc économiser ce coût de location.
Et d’expliquer : «Inclure l’audioguide dans le prix du ticket, cela me paraît aussi évident que de payer une place au cinéma et d’avoir le son et l’image».
En attendant, le directeur général a utilisé l’argument de l’audioguide pour justifier la cherté du ticket de son exposition.
… et des exceptions
Mais à toute situation, ses exceptions. Par exemple, lorsque l’usage de ce guide sonore s’avère indispensable à la visite.
Alors, il est utile que le prêt de l’audioguide soit comptabilisé dans le prix du ticket, car sinon des visiteurs pourraient ne pas prendre conscience de ce fait et donc ne pas louer l’audioguide pour, ensuite, le regretter amèrement durant la visite.
Le Musée des Instruments de Musique de Bruxelles (MIM) en est un exemple significatif.
L’usage de son audioguide a été pendant de nombreuses années inclus dans le prix du ticket et cela se justifiait. En effet, il était, et reste d’ailleurs, indispensable pour découvrir les sons des instruments exposés en vitrines. Sans l’écoute de ceux-ci, la visite n’a que peu de sens.
La directrice de cette institution, Alexandra De Poorter, elle-même, déclara à Isabelle Plumhans pour un article publié par L’Écho du 13 septembre 2017, qu’ils sont «essentiels».
D’ailleurs le slogan de cette institution était «Vous allez voir ce que vous allez entendre». Il fut retiré du site internet du MIM sans explication.
Lorsque de nouveaux audioguides sont mis en service en 2018, le musée rend, sans explication, tout d’un coup leur usage facultatif.
La location de ceux-ci coûtera désormais 2 € (en plus du ticket d’entrée qui a fortement augmenté, au cours des années qui précédèrent cette évolution). Ne s’agit-il pas donc d’une nouvelle augmentation, indirecte et discrète, de la tarification pour la majorité des visiteurs?
Mais le plus affligeant reste ce fait de rendre facultatif un service indispensable au bon déroulement de la visite.
Un beau bémol
Un bémol: heureusement qu’il existe souvent dans le personnel des institutions culturelles des individualités soucieuses d’un accueil honnête des usagers. Ce fut le cas au MIM. Le nouveau dépliant indique «+ € 2 audioguide». Suite à notre constat de la non information au public du caractère indispensable de cette location, le dépliant est modifié lors de sa réimpression par l’ajout de l’adjectif « conseillé » et devient donc «+ € 2 audioguide (conseillé)».
Un seul mot en plus, mais qui fait évoluer la donne. Voilà donc une petite amélioration pour tous, suite à une revendication d’usagers.
Un arrêté ministériel de Thomas Dermine, l’actuel Secrétaire d’état chargé notamment des musées fédéraux, a fait évoluer la situation que nous contestions. |
Victoire !
Il faut savoir que les musées fédéraux ne choisissent pas eux-mêmes leurs tarification. C’est le membre du gouvernement fédéral chargé de ces matières qui décide.
Ce 26 février 2022, Bruno Verbergt, le nouveau directeur ad interim des MRAH (dont le MIM fait partie), nous a confirmé l’évolution. C’est l’actuel Secrétaire d’état chargé notamment des musée fédéraux, Thomas Dermine, qui, par un arrêté ministériel, a fait évoluer la tarification dans le sens que nous demandions. Merci à lui ! Donc ceci prouve à nouveau que la société civile peut se faire entendre.
En effet, l’évolution de cette tarification exige, pour le MIM, le réintroduction dans le prix d’entrée de l’utilisation des guides multimédias:
https://www.mim.be/fr/infos-pratiques
Il est également intéressant de constater, sur cette page du site du MIM, l’indication suivante : « Vous pouvez prendre des photos dans les salles d'exposition mais sans flash ». Ce qui va dans le sens d’un autre combat que mène notre notre L.U.C., et nous y avons consacré récemment cet article:
http://la-luc.blogspot.com/2022/02/hotel-solvay-photos-interdites.html
Cette illustration de Serge Dehaes résume bien notre carte blanche publiée par La Libre le 12 septembre 2017. |
Annexe utile
Bernard Hennebert, actuel Président de la L.U.C., a publié dans La Libre du 12 septembre 2017 (pages 38 et 39) un « carte blanche » qui détaillait encore bien davantage cette problématique du Musées des Instruments de Musique de Bruxelles. La voici :
Le MIM ne connaît plus la musique !
Le Musée des Instruments de Musique est un très beau musée et l’un des plus fréquentés de Bruxelles depuis l’an 2000, année où il a installé un bon millier d’instruments dans les bâtiments entièrement restaurés de l’ancien « Old England » typiquement Art-Nouveau, dominant le Mont des Arts et proche de la Place Royale.
Il avait alors choisi comme slogan « Vous allez voir ce que vous allez entendre » (celui-ci vient d’être retiré du site internet du MIM). Toute la scénographie avait été réalisée afin que le visiteur puisse écouter les innombrables instruments exposés, souvent peu connus et parfois très anciens.
Un système de casque à infrarouge permettait alors à chaque visiteur d'entendre lorsqu’il s’approchait d’une vitrine quelques extraits musicaux joués par l’instrument qu’il contemplait. En 2013, les casques à infrarouge ont été remplacés par un système d’audio-guides plus performant, permettant également de découvrir plein d’informations sur chaque instrument. De là, l’absence de cartels fort détaillés dans les vitrines.
Vu l’importance stratégique de cet audio-guide, il était donc logique que son usage ne soit pas facultatif et qu’il soit prêté à chaque visiteur, le prix du ticket incluant son utilisation.
AUDIOGUIDES RETIRÉS
Ce 21 août 2017, en pleine saison touristique (il n’est pas rare que le MIM ait une fréquentation quotidienne d’un millier de visiteurs), les audio-guides ont été retirés de la circulation.
Cette situation risque de perdurer : non renouvellement du contrat avec le fournisseur, ce qui a pour conséquence qu’il faut rédiger un nouvel appel d’offre; relations complexes du MIM avec les Musées Royaux d’Art et d’Histoire sous la tutelle desquels ils sont désormais; etc.
En fait, la visite n’a quasi plus aucun sens. Une institution respectueuse de ses usagers aurait fermé, le temps nécessaire pour retrouver une offre complète. Ce ne sera pas le cas.
On aurait au moins trouvé normal dès lors que le MIM propose soit l’entrée gratuite, soit une réduction significative sur le prix du ticket à 8 euros (qui, rappelons-le, est censé offrir l’utilisation gratuite de l’audio-guide). Ce ne sera pas possible à cause du manque d’autonomie de nos musées fédéraux puisque les modifications de tarification dépendent d’une décision ministérielle et ne peuvent se concrétiser qu’après la publication d’un arrêté au Moniteur!
Il est vrai aussi que les Musées Royaux d’Art et d’Histoire du Cinquantenaire situés loin du centre ville voient leurs collections permanentes désertées (certaines expos temporaires affichant heureusement quelques succès de fréquentations) et on peut comprendre qu’ils tiennent impérativement à ce que le MIM qui est un peu leur poule aux œufs d’or ne tarisse pas un tantinet ses rentrées pécuniaires.
MAIS LE TARIF PASSE DE 8 À 10 EUROS
En France, certains musées, lorsque des salles sont closes pour travaux, diminuent d’autant le prix du ticket. En Belgique, on n’a pas cette culture-là du respect du visiteur. Quand le Musée d’Art Moderne a été fermé, le ticket qui lui donnait accès ainsi qu’au Musée d’Art Ancien n’a pas été diminué de moitié pour ceux qui continuèrent de visiter uniquement ce dernier.
Mais le pire vient d’arriver au MIM ce 5 septembre 2017: la tarification est passée de 8 euros autrefois avec audio-guide à désormais 10 euros sans audio-guide. Puisque cette augmentation s’est faite sans audio-guide, on murmure dans les coulisses, avec insistance, que lorsque ceux-ci seront à nouveau disponibles, ils deviendront facultatifs (ce qui est peu pédagogique, vu la nature et l’historique de ce musée)… ce qui permettra d’obtenir deux euros supplémentaires.
CRITIQUES SUR LE LIVRE D’OR
En attendant, le livre d’or du MIM accumule les critiques :
- « Un très beau musée mais donnez-nous des audio guides! C’est très frustrant de ne pas pouvoir écouter le son de tous ces beaux instruments ».
- « La visite du musée perd 90% de sa valeur avec l’absence de l’écouteur ».
- « Pourquoi ne pas mettre des codes barre à scanner avec son smartphone (avec wifi) pour avoir accès aux sons? ». Etc.
MÉPRIS POUR LE PUBLIC
Ce nouvel exemple montre une fois de plus que nos musées fédéraux méprisent fort leurs publics. À un point tel qu’en France, on les traite parfois de surréalistes, ce qui ne ferait pas plaisir à juste titre à René Magritte. Ce nouvel épisode MIM vient compléter une série récente déjà fort longue :
- Interdiction pendant plusieurs années pour les « simples » visiteurs de dessiner et de prendre des notes au Musée Magritte Museum et dans les grandes expositions temporaires des MRBAB (Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique);
- Obligation depuis janvier 2016 de payer l’entrée (5 euros) à l’accueil du Musée de l’Armée uniquement avec une carte bancaire (cette information ne figure même pas dans le nouveau dépliant);
- Toujours d’actualité malgré une pétition de près de 2.000 signatures, impossibilité pour la population active (plus de 50% de notre population) de fréquenter les Musées Meunier et Wiertz sans rogner sur ses jours de congés légaux puisque ces deux institutions sont fermées chaque week-end, en semaine pendant le temps de midi et les jours fériés. Etc.
Positivons, tirons enseignement. Puisse nos parlementaires fédéraux et le gouvernement se pencher rapidement sur la création d’un Code de bonne conduite en faveur des visiteurs.
B.H.
Sur la toile : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2017/09/12/le-mim-a-retire-ses-audioguides-et-le-respect-du-visiteur-opinion-GTOAU27ARRAK3J27XQ3FIXQOLA/