dimanche 10 septembre 2023

Comparer les prix culturels: de + en + compliqué

Elle a eu un effet immédiat, notre carte blanche publiée le 5 juillet 2023 dans Le Soir et La Libre, «Pour des préventes pas avant six mois» :
http://la-luc.blogspot.com/2023/09/pour-des-preventes-pas-avant-6-mois-en.html

Le cabinet du ministre des affaires économiques fédéral Dermagne (socialiste) a contacté la L.U.C. très rapidement. Une réflexion est en cours. Peut-être que la législation pourrait ainsi évoluer en faveur des usagers culturels, et ce, avant les prochaines élections.

Pour préparer une prochaine réunion de travail, la L.U.C. a rédigé l’article suivant.

La connaissance du prix est l’une des informations que le consommateur a le droit de découvrir avant tout achat.
Certains vendeurs, et d’autant plus si leur tarification est élevée, ont tout intérêt à préciser ce renseignement le plus tard possible, et surtout quand le candidat acheteur a été mis le plus en appétit via, par exemple, sa découverte du site internet dédié à l’activité en question.
Qu’en est-il dans le secteur culturel? Cette connaissance de la tarification, telle qu’elle est appliquée, nous permet-elle encore de comparer facilement différents prix?

Remplacé par les sponsors?

En fait, au fil des décennies, ces indications de tarification ont progressivement disparu des affiches présentes dans l’espace public au profit de la présentation de plus en plus envahissante sur celles-ci des sigles des sponsors.

Par exemple, la promotion du 45ème festival « Jazz in Marciac », édition 2023 (voir photo), aligne les sigles de 46 mécènes sur un large espace où une tarification détaillée aurait eu toute sa place.

Comptez le nombre de signes de sponsors sur cette affiche!

Mais on peut les lire sur internet…

On mentionnait les prix autrefois? Souvent, et de façon détaillée.
Par exemple, pour l’unique journée de la deuxième édition du festival de Huy « Le Parapluie des Vedettes », le 29 mai 1965, sont annoncés Claude François, Annie Cordy, Dick Rivers, Michèle Torr (chacun avec leur accompagnateur ou leur orchestre), Fernand Raynaud, et une douzaine d’autres artistes ou groupes moins connus. L’affiche indique : « Prix des places: 50, 60, 80, 100, 120, 150 frs ».

On peut remonter aux années 1900 et nombre d’affiches de l’époque témoignent. Année après année, celles du Salon annuel de la Libre Esthétique (arts graphiques - arts plastiques) au musée Moderne (voir photo) indiquent un prix d’entrée à 1 franc ainsi que « le dimanche 50 cents, le jour de l’ouverture 5 francs, carte permanente 10 francs ».

Par la suite, certains organisateurs préférèrent parfois proposer sur leur matériel de promotion un numéro de téléphone où le visiteur potentiel pourra recevoir ces informations tarifaires. S’il s’agit d’un appel surtaxé, cela signifie que la simple connaissance du prix devient alors elle-même une marchandise qui se monnaie.

Dorénavant, on indique sur une affiche l’adresse d’un site internet qui permet d’avoir accès à la tarification. Bien sûr, cela pousse le public à entamer une démarche active. Son espoir d’assister à cette activité culturelle prend ainsi assurance, se renforce. Peut-être, même si le prix est élevé, qu’il l’acceptera plus facilement lorsqu’il le découvrira sur son écran, alors que s’il en avait pris connaissance sur la vitrine ou la porte d’entrée d’un de ses commerces préférés, il aurait tourné les talons illico.

Le fait de comparer des prix est plus aisé sur la voie publique puisque les activités d’organisateurs bien différents s’y côtoient alors que, sur internet, l’usager part à la recherche en général que de ce qui le passionne. S’il s’intéresse aux festivals d’été, il a peu de chance de pouvoir comparer le prix de ce type d’entrées avec, par exemple, celle d’un concert programmé par un petit lieu à chansons ou par une salle de théâtre expérimentale.

Années 1900: on indique même le prix pour le jour de l’ouverture du Salon annuel…

Par exemple, les expos immersives

Exercice pratique : vous vous promenez fin juillet 2023 en rue à Bruxelles. Vous découvrez deux affiches placées l’une à côté de l’autre, parmi d'autres, sur un panneau. Aucune indication de prix (constatez que ces affiches continuent d’exister et donc qu’elles sont vues, les organisateurs n’étant pas irresponsables au point de financer pareille promo si elle n’était pas efficace) .
La première concerne l’exposition immersive internationale consacrée à Van Gogh, et la seconde, celle du Design Museum (voir nos photos).
Via votre ordi ou votre téléphone, vous comparez les prix. Ce n’est qu’à ce moment-là que vous découvrirez de fortes différences.
L’entrée plein tarif pour la première est fixée à 16 euros en semaine, et 18, en week-ends.
Pour la seconde, il y a un prix unique (pour le fond permanents et les expositions temporaires): 10 euros.
D’où l’utilité de pouvoir comparer à nouveau les prix dans l’espace public.

Impossible de découvrir en regardant les affiches que les prix des tickets de l’exposition Van Gogh sont bien plus élevés que ceux du Design Museum.

Les prix chers sont ainsi banalisés

Dès le départ, la tarification de base pour les expos immersives (sans la présence d’œuvres) comme celle sur Van Gogh a été bien plus élevée que le prix habituel d’une entrée pour un musée ou une exposition (avec la présence d’œuvres) ou pour une séance de cinéma dans un complexe commercial (environ 12 euros, en 2023).

Une partie du très vaste public ainsi conquis ne fréquente pas les expositions plus traditionnelles, ignore donc les différences de prix et croit que celui dont il doit s’acquitter correspond aux lois du marché. La quasi impossibilité de comparer lui est donc défavorable.

Le succès parfois foudroyant en terme de fréquentation de ce nouveau type de production peut provenir des campagnes promotionnelles massives que nombre d’autres initiatives culturelles ne peuvent se permettre (sur les réseaux sociaux, par l’affichage en rue, dans les médias).

En général, ces activités disposent en effet de beaucoup de rentrées financières.
Lorsque l’investissement de matériel de base est amorti (notamment les appareillages pour le son, la lumière et les projections), la production de ces spectacles est limitée économiquement car la plupart des thématiques sélectionnées visent surtout des œuvres d’artistes tombées dans le domaine public et aussi parce que nombre de ces activités amortissent bien des frais fixes dans des tournées de type internationale durant plusieurs années (notamment celle sur Van Gogh).

Les populations les moins aisées qui doivent être attentives à toute dépense sont les premières victimes de ces évaporations de mentions de prix, et donc de la possibilité de comparer, un peu comme lorsqu’on fait ses courses alimentaires.
Ne fut-ce que pour soutenir celles-ci, il est indispensable qu’une réflexion sur la comparaison des prix en culture émerge dans nos débats et combats sociaux, économiques et politiques.

 

«Rien n’explique les différences»

Un exercice pratique? La page facebook de « La Ligue des Usagers Culturels » reçoit la plainte suivante de Luc le 30 juillet 2023. Elle est totalement justifiée.

La voici : «Bonjour. Je ne pense pas que l'on se connaisse, mais je vous suis depuis longtemps. Je voudrais vous soumettre quelque chose contre quoi vous luttez depuis longtemps: le prix d'entrée pour certaines activités.
Si vous considérez que ce sujet ne vous concerne pas, excusez-moi le dérangement et faites comme si je ne vous avais pas écrit. Il s'agit de l'activité Bubble Planet qui a lieu pour le moment à Tour & Taxi.
J'ai vu sur le site le prix de l'entrée à 11€ ou 14€. Mais, dès le moment où l'on désire acheter les billets, les prix fluctuent de 16,90€ à 20,90€ en fonction des jours choisis.
Mais rien n'explique pourquoi ces différences. Merci d'avance et bravo pour ce que vous faites afin que la culture soit (vraiment) accessible à tous».

Trois constats accablants

Le 2 août 2023 vers 12H, Nous vérifions les données de cette plainte à partir du site de l’activité dénoncée :
https://feverup.com/m/119964?cp_landing_source=bubbleworld&utm_source=google&utm_campaign=119964_bru&utm_medium=sc&cp_landing_term=cta_tickets&cp_landing=cta_tickets&_gl=1*1mz43yx*_ga*MTY2ODYxMjcyOC4xNjkwOTY5NDIw*_ga_SR98MF4K19*MTY5MDk2OTQyMC4xLjAuMTY5MDk2OTQyMC42MC4wLjA.&_ga=2.107865924.7700087.1690969421-1668612728.1690969420


1 : Dans les «Infos pratiques», on lit en tout et pour tout, concernant la tarification : «Prix: à partir de 10,9€ pour un enfant et 13,90€ pour un adulte».

2 : Dans une seconde rubrique «L’expérience a ouvert ses portes, achète tes billets maintenant» , il est indiqué «Billets pour Bubble Planet à Bruxelles» suivi de «Entrée standard- inclut l’entrée à l’exposition». Les deux phrases sont suivies d’une série de catégories de personnes : adulte, enfant, militaire, etc. Mais sans aucune mention de prix.

3 : Aucune autre information sur les prix et pour tenter d’en savoir plus, il faut cliquer sur le bouton bleu «Réserve ta place».

Là, la seule façon d’en savoir davantage consiste à choisir la journée où on est censé venir. J’opte pour le vendredi 11 août 2023, et apparaissent enfin des prix précis. Pour le ticket adulte, c’est 18,90€.

Dans ce cas de figure, on est en semaine. Ma curiosité me pousse à revenir en arrière pour cliquer sur un jour de week-end (acte que tout usager ne fait pas nécessairement!). Je choisis le dimanche 23 août 2023. Le ticket adulte monte alors à 20,90€.

Je fais une recherche plus approfondie. Je découvre qu’on a intérêt à choisir le lundi 21 août qui, lui, propose 16,90€ pour un ticket adulte. Tous les lundis pratiqueraient cet avantage? Voyons donc un jour de congé légal, le lundi 15 août 2023 : le ticket est remonté à 20,90€ .

4 : J’ai beau chercher, je ne trouve nulle part un prix du ticket pour adulte comme annoncé en bonne place sur le site : «à partir de 13,90€». Les seuls prix découverts au moment d’acheter mon ticket sont, pour les adultes: 16,90€ ; 18,90€ et 20,90€ . On retrouve exactement la même stratégie pour la fixation et l’indication des réductions.

5 : Constatons enfin que l’organisateur ose omettre toute explication du pourquoi de ces fluctuations tarifaires. Quel mépris à l’égard de son si cher public.

Trois propositions

1 : Exiger du pouvoir législatif à un niveau fédéral, et pourquoi pas à un niveau européen, que toute activité culturelle doive proposer une tarification COMPLÈTE et AVANT que l’usager n’ait commencé sa démarche d’acheter un ticket (sélectionner une date s’apparente à la démarche d’acheter un ticket, et donc c’est trop tard).

Cette obligation existe déjà partiellement en Fédération Wallonie Bruxelles. Pour + de 3.000 diffuseurs culturels qui y sont subsidiés. Ceux-ci sont obligés, déjà depuis 2006 (et cette règle a été réaffirmée en décembre 2023), de respecter le Code, dont ses points 2 et 5 : https://www.culture.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=585202c32356d68ca00c6a9dc87a53e7df3a5974&file=fileadmin/sites/culture/upload/culture_super_editor/culture_editor/documents/Documents_utiles/Droits_des_usagers_et_publics_de_la_Culture/202211-A3-codeusagers-web.pdf

2 : Exiger, de la même façon, qu’une tarification complète, si elle utilise l’expression «à partir de … €»  doive obligatoirement terminer la phrase qui contient cette expression par un «et au maximum : …€».

3 : Rappeler que l’une des rares façons de pouvoir se positionner par rapport à l’augmentation des prix culturels est d’appliquer strictement une présentation détaillée des prix car elle rend possible le droit du public à comparer les prix de diverses activités, droit essentiel et tout particulièrement pour les publics les plus précaires qui, eux aussi, doivent pouvoir avoir accès à la culture, et à la diversité de celle-ci.

Pour terminer, constatons que ces propositions d’une réglementation plus précise doivent plaire et être fort utiles aux organisateurs qui respectent leur public. Et ils sont sans doute plus nombreux que beaucoup ne l’imaginent. Nos ministres devraient également être attentifs à eux.



Chez «Buble Planet Expérience», les places pour adultes ont en prix différents selon le jour de votre visite (ici, le vendredi 11 et le dimanche 13). Idem pour les réductions. Mais qui va faire la démarche de choisir plusieurs jours pour découvrir s’il existe des différences? Ces différences doivent pouvoir être connues clairement par l’usager avant que l’organisateur lui demande de proposer son choix de date.

mardi 5 septembre 2023

Pour des préventes pas avant 6 mois en Europe

Fait très rare, la « carte blanche » du président de la L.U.C est parue dans deux quotidiens belges, le 5 juillet 2023.

Dans le journal papier (sur une page et demi) et sur le site de « La Libre » : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2023/07/05/face-au-nombre-de-concerts-annules-il-est-temps-de-reglementer-la-prevente-des-evenements-culturels-QU5DNP2LQ5AX3A66GECCPXL3Y4/

Dans« Le Soir », uniquement sur son site:
https://www.lesoir.be/523667/article/2023-07-05/evenements-culturels-pour-une-reglementation-europeenne-en-matiere-de-preventes

Ce texte a une valeur historique. Son dernier paragraphe indique qu’enfin, en 2023, une députée demande au ministre des affaires économiques de réfléchir à limiter la prévente des spectacles à 6 mois.
Celui-ci répond qu’il est disposé à sonder le secteur ainsi que les associations de consommateurs.
Cela n’a peut-être l’air de rien car c’est bien une avancée car il n’a jamais été question de cela jusqu’à présent dans notre monde politique.

Les pages 34 et 35 de « La Libre » du 5 juillet 2023


Déjà il y a dix-sept ans, en 2006, celui qui deviendra plus tard président de la L.U.C., dans un entretien accordé à la revue du Conseil de la Musique revendique une prévente à six mois maximum, alors que les réservations, à l’époque, commençaient jusqu’à treize mois avant le déroulement de l’événement.
Lire ici: http://www.consoloisirs.be/textes/061015acroches.html

Bien entendu, on peut discuter du nombre de mois.
Ces six mois est une mesure moins radicale que certains l’imagineront sûrement . En effet, un chanteur belge de notoriété importante et connu également pour ses combats en faveur des droits des créateurs, Claude Semal, dans un entretien paru récemment, considére que ces six mois sont déjà ce délai trop long (16 juin 2023, dans L’Asymptomatique: https://www.asymptomatique.be/good-luck-la-l-u-c/).

Concernent le pic de 19 mois pour le début de la réservation pour la tournée de Stromae (qui a été ensuite annulée en 2023), le L.U.C. avait traité et dénoncé ce fait  en son temps : http://la-luc.blogspot.com/2022/02/debut-des-preventes-de-en-tot.html

Ces dix-neuf mois concrètement, c’est le fait que vous êtes célibataire, vous ne connaissez pas encore votre futur(e) conjoint(e), vous achetez un ticket… mais vous devrez l’utiliser seul(e) car, entretemps, tous les tickets sont vendus (ou revendus à un prix dissuasif au marché noir de noir), vous vous êtes marié (ou pas) et un deuxième enfant est attendu. Vous me direz que l’autre membre du couple peut garder ce soir-là l’enfant déjà né. Hélas, vous êtes déjà séparés… Fable absurde pour concrétiser l’absurdité d’une telle précocité.

Enfin, n’oublions surtout pas qu’il n’existe aucun manque d’imagination quand il s’agit de faire banquer ses usagers. La vente des tickets peut parfois connaître des règles complémentaires plutôt abjectes.

Voici un rappel historique sans doute pas inutile. La tournée américaine de Michaël Jackson et de ses frères en 1984 fonctionnait sous forme de vente par correspondance par l’achat d’au moins 4 tickets (soit quatre fois 30 dollars).
On ne choisit pas sa place car celle-ci est attribuée par un tirage au sort réalisé par un ordinateur.
La règle prévue, en cas de surchauffe d’affluence, est que les personnes qui n’ont pas la chance de voir leurs tickets attribués seront remboursés deux mois après (ce qui était important à l’époque) mais celles-ci ne toucheront bien entendu pas l’équivalent des intérêts bancaires du placement de leur argent.
Et tout cela pour peut-être voir quoi?
Un spectacle intitulé « Victory » du nom du nouveau 33 tours que Michaël Jackson venait de réaliser avec sa famille, un spectacle dans lequel, malgré son titre, aucune chanson dudit 33 tours n’était programmée.

Voici le texte de cette « Carte blanche »

En Europe, ce sont plus d’un demi-million de spectateurs qui ont été déçus par l’annulation de 46 dates de la tournée « Multitude » de Stromae. Un peu plus tard, également pour des raisons de santé, Céline Dion, Jane Birkin, Lewis Capaldi et Madonna ont fait faux bond.

Il nous revient  tout d'abord de  témoigner de notre empathie à l’égard de ces artistes ainsi qu'aux équipes qu’ils ont choisis pour travailler avec eux, mais il convient aussi de trouver des pistes de solution à long terme pour tenter de réduire tant que possible la cavalcade des annulations ou reports de concerts.

En effet, la situation ne va sans doute pas s’améliorer puisque la pression sur l’organisation des concerts se fait de plus en plus tendue, le monde musical ayant progressivement transféré à ceux-ci la source principale de ses revenus qui naguère était détenue principalement par la vente et la location de supports sonores.

Un piste majeure à investiguer est une régulation au niveau européen des préventes.
Constatons que pour les exemples cités, elles furent des plus hâtives. Notamment un pic de 19 mois pour Stromae.

Cette option pourrait d’ailleurs se coupler avec deux autres mesures à envisager également :
 -  en plus du ticket, rembourser les frais d’hôtel et de transports, ces dépenses connexes devenues obsolètes pour des usagers habitant loin du lieu du concert;
 -  créer un droit pour le public, celui de connaître les causes officielles du non déroulement à la date prévue de l’activité.

 Préventes: de 4 à 19 mois

En 1988, soit il y a trente-cinq ans,  l’un de nos quotidiens trouvait excessive la location de 4 concerts de Pierre Rapsat au Cirque Royal car elle débutait quatre mois avant le déroulement de l’activité. En 2006, des critiques analogues s’élevaient contre 13 mois de réservation.

Plus tôt la réservation commence et plus il y a de raisons à annuler ou reporter.
On s’approche aujourd’hui d’un démarrage des locations deux ans avant l’événement.
Si, pour respecter la liberté de commercer, il n’est pas envisageable d’agir par une règlementation sur l’escalade des prix, par contre, réguler les débuts des préventes devrait s’envisager car il y a, lorsqu’on atteint de tels excès, un obstacle complémentaire qui peut rendre la culture, ce bien pour tous, inaccessible aux moins nantis.

De plus, la prévente de plus en plus tôt constitue une forme de concurrence déloyale de la part de grands organisateurs qui les appliquent car, bien souvent, les organisateurs de plus petite taille, pour leur spectacle se déroulant à la même date, n’ont pas la force de frappe pour une annonce de leur activité au public aussi précoce.

Par ailleurs, il faut convenir que le public a ainsi de moins en moins la possibilité de choisir parmi la diversité culturelle se déployant au cours d’une même journée. Si vous apprenez six mois avant son jour J le déroulement d’une activité régionale qui vous tient encore davantage à cœur, vous ne pourrez y aller, puisque vous avez déjà acquis le ticket souvent bien plus cher du méga spectacle.

Ouvrir si tôt les réservations a une autre conséquence: car elle mène  petit à petit certains organisateurs à ne pas avoir tendance à respecter un autre droit de leur public, celui de connaître le contenu détaillé avant l’achat du service.

Pareille pratique est pourtant susceptible de constituer une pratique commerciale déloyale au sens du Code de droit économique. Par exemple; il n’est pas normal que des festivals d’été distillent au fil des semaines les annonces de la venue de tel ou tel artiste dans leur activité.

Le public doit souvent attendre les derniers jours qui précèdent le festival pour faire leur choix, s’il reste de la place, et, entretemps, certains prix comme ceux des pass auront peut-être augmenté. Ainsi, en culture, prendre connaissance de tous les « ingrédients » peut même donc coûter au public.

Pour la 17ème édition du Tomorrowland (21-30 juillet), les organisateurs ont d’abord réservé la moitié des billets aux festivaliers belges et aux habitants des communes environnantes. Ces billets ont tous été vendus durant la matinée du 28 janvier. Mais l’affiche complète ne sera dévoilée que plus tard dans cette même journée lorsque la réservation internationale commence. Le succès indéniable de ce festival ne justifie pourtant pas le fait que le public qui va y participer n’ait pas le droit de connaître son contenu détaillé avant d’acheter son ticket, ne fut-ce que pour choisir le ou les jours où il préfère s’y rendre.

Pour une règlementation européenne

Une législation européenne pourrait permettre aux usagers culturels de se voir traiter de la même façon, et si possible de la meilleure, quelle que soit le pays où l’activité a lieu.

L’exemple suivant est éloquent. Pour les remboursements liés à l’arrêt de la tournée de Stromae, les acheteurs de tickets pour les concerts bruxellois ont été remboursés dans les jours qui ont suivi l’annonce de l’annulation, sans entreprendre aucune autre formalité. Par contre, en France, le jour de l’annonce de l’annulation de la tournée est envoyé un courriel détaillant tout un processus à mener en 2 semaines pour que leur demande de remboursement soit « valable ». Ce message indique que les «  clients » risquent bien de devoir attendre longtemps leur remboursement. L’inquiétude de certains acheteurs prendra fin un peu moins d’un mois plus tard.

Nous proposons que les droits du public culturel s’invitent dans les programmes des partis politiques pour les prochaines élections européennes et qu’il soit question d’une prévente qui ne débuterait pas plus de 6 mois avant le début de l’activité et à partir du moment où son programme détaillé est public

Interpellé récemment par la députée Sophie Rohonyi (DéFI) sur ce thème au Parlement fédéral , le ministre Pierre-Yves Dermagne a indiqué qu’il  y a une exception culturelle à garantir dans toute une série d’aspects, et notamment celui de l’accessibilité à la culture: « Les consommateurs ne sont sans doute pas toujours suffisamment protégés. Il faut voir ce qui peut être fait à un niveau européen. Je suis disposé à sonder le secteur ainsi que les associations de défense des consommateurs ».

Nous attendons donc que le ministre lance les invitations.