mardi 5 septembre 2023

Pour des préventes pas avant 6 mois en Europe

Fait très rare, la « carte blanche » du président de la L.U.C est parue dans deux quotidiens belges, le 5 juillet 2023.

Dans le journal papier (sur une page et demi) et sur le site de « La Libre » : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2023/07/05/face-au-nombre-de-concerts-annules-il-est-temps-de-reglementer-la-prevente-des-evenements-culturels-QU5DNP2LQ5AX3A66GECCPXL3Y4/

Dans« Le Soir », uniquement sur son site:
https://www.lesoir.be/523667/article/2023-07-05/evenements-culturels-pour-une-reglementation-europeenne-en-matiere-de-preventes

Ce texte a une valeur historique. Son dernier paragraphe indique qu’enfin, en 2023, une députée demande au ministre des affaires économiques de réfléchir à limiter la prévente des spectacles à 6 mois.
Celui-ci répond qu’il est disposé à sonder le secteur ainsi que les associations de consommateurs.
Cela n’a peut-être l’air de rien car c’est bien une avancée car il n’a jamais été question de cela jusqu’à présent dans notre monde politique.

Les pages 34 et 35 de « La Libre » du 5 juillet 2023


Déjà il y a dix-sept ans, en 2006, celui qui deviendra plus tard président de la L.U.C., dans un entretien accordé à la revue du Conseil de la Musique revendique une prévente à six mois maximum, alors que les réservations, à l’époque, commençaient jusqu’à treize mois avant le déroulement de l’événement.
Lire ici: http://www.consoloisirs.be/textes/061015acroches.html

Bien entendu, on peut discuter du nombre de mois.
Ces six mois est une mesure moins radicale que certains l’imagineront sûrement . En effet, un chanteur belge de notoriété importante et connu également pour ses combats en faveur des droits des créateurs, Claude Semal, dans un entretien paru récemment, considére que ces six mois sont déjà ce délai trop long (16 juin 2023, dans L’Asymptomatique: https://www.asymptomatique.be/good-luck-la-l-u-c/).

Concernent le pic de 19 mois pour le début de la réservation pour la tournée de Stromae (qui a été ensuite annulée en 2023), le L.U.C. avait traité et dénoncé ce fait  en son temps : http://la-luc.blogspot.com/2022/02/debut-des-preventes-de-en-tot.html

Ces dix-neuf mois concrètement, c’est le fait que vous êtes célibataire, vous ne connaissez pas encore votre futur(e) conjoint(e), vous achetez un ticket… mais vous devrez l’utiliser seul(e) car, entretemps, tous les tickets sont vendus (ou revendus à un prix dissuasif au marché noir de noir), vous vous êtes marié (ou pas) et un deuxième enfant est attendu. Vous me direz que l’autre membre du couple peut garder ce soir-là l’enfant déjà né. Hélas, vous êtes déjà séparés… Fable absurde pour concrétiser l’absurdité d’une telle précocité.

Enfin, n’oublions surtout pas qu’il n’existe aucun manque d’imagination quand il s’agit de faire banquer ses usagers. La vente des tickets peut parfois connaître des règles complémentaires plutôt abjectes.

Voici un rappel historique sans doute pas inutile. La tournée américaine de Michaël Jackson et de ses frères en 1984 fonctionnait sous forme de vente par correspondance par l’achat d’au moins 4 tickets (soit quatre fois 30 dollars).
On ne choisit pas sa place car celle-ci est attribuée par un tirage au sort réalisé par un ordinateur.
La règle prévue, en cas de surchauffe d’affluence, est que les personnes qui n’ont pas la chance de voir leurs tickets attribués seront remboursés deux mois après (ce qui était important à l’époque) mais celles-ci ne toucheront bien entendu pas l’équivalent des intérêts bancaires du placement de leur argent.
Et tout cela pour peut-être voir quoi?
Un spectacle intitulé « Victory » du nom du nouveau 33 tours que Michaël Jackson venait de réaliser avec sa famille, un spectacle dans lequel, malgré son titre, aucune chanson dudit 33 tours n’était programmée.

Voici le texte de cette « Carte blanche »

En Europe, ce sont plus d’un demi-million de spectateurs qui ont été déçus par l’annulation de 46 dates de la tournée « Multitude » de Stromae. Un peu plus tard, également pour des raisons de santé, Céline Dion, Jane Birkin, Lewis Capaldi et Madonna ont fait faux bond.

Il nous revient  tout d'abord de  témoigner de notre empathie à l’égard de ces artistes ainsi qu'aux équipes qu’ils ont choisis pour travailler avec eux, mais il convient aussi de trouver des pistes de solution à long terme pour tenter de réduire tant que possible la cavalcade des annulations ou reports de concerts.

En effet, la situation ne va sans doute pas s’améliorer puisque la pression sur l’organisation des concerts se fait de plus en plus tendue, le monde musical ayant progressivement transféré à ceux-ci la source principale de ses revenus qui naguère était détenue principalement par la vente et la location de supports sonores.

Un piste majeure à investiguer est une régulation au niveau européen des préventes.
Constatons que pour les exemples cités, elles furent des plus hâtives. Notamment un pic de 19 mois pour Stromae.

Cette option pourrait d’ailleurs se coupler avec deux autres mesures à envisager également :
 -  en plus du ticket, rembourser les frais d’hôtel et de transports, ces dépenses connexes devenues obsolètes pour des usagers habitant loin du lieu du concert;
 -  créer un droit pour le public, celui de connaître les causes officielles du non déroulement à la date prévue de l’activité.

 Préventes: de 4 à 19 mois

En 1988, soit il y a trente-cinq ans,  l’un de nos quotidiens trouvait excessive la location de 4 concerts de Pierre Rapsat au Cirque Royal car elle débutait quatre mois avant le déroulement de l’activité. En 2006, des critiques analogues s’élevaient contre 13 mois de réservation.

Plus tôt la réservation commence et plus il y a de raisons à annuler ou reporter.
On s’approche aujourd’hui d’un démarrage des locations deux ans avant l’événement.
Si, pour respecter la liberté de commercer, il n’est pas envisageable d’agir par une règlementation sur l’escalade des prix, par contre, réguler les débuts des préventes devrait s’envisager car il y a, lorsqu’on atteint de tels excès, un obstacle complémentaire qui peut rendre la culture, ce bien pour tous, inaccessible aux moins nantis.

De plus, la prévente de plus en plus tôt constitue une forme de concurrence déloyale de la part de grands organisateurs qui les appliquent car, bien souvent, les organisateurs de plus petite taille, pour leur spectacle se déroulant à la même date, n’ont pas la force de frappe pour une annonce de leur activité au public aussi précoce.

Par ailleurs, il faut convenir que le public a ainsi de moins en moins la possibilité de choisir parmi la diversité culturelle se déployant au cours d’une même journée. Si vous apprenez six mois avant son jour J le déroulement d’une activité régionale qui vous tient encore davantage à cœur, vous ne pourrez y aller, puisque vous avez déjà acquis le ticket souvent bien plus cher du méga spectacle.

Ouvrir si tôt les réservations a une autre conséquence: car elle mène  petit à petit certains organisateurs à ne pas avoir tendance à respecter un autre droit de leur public, celui de connaître le contenu détaillé avant l’achat du service.

Pareille pratique est pourtant susceptible de constituer une pratique commerciale déloyale au sens du Code de droit économique. Par exemple; il n’est pas normal que des festivals d’été distillent au fil des semaines les annonces de la venue de tel ou tel artiste dans leur activité.

Le public doit souvent attendre les derniers jours qui précèdent le festival pour faire leur choix, s’il reste de la place, et, entretemps, certains prix comme ceux des pass auront peut-être augmenté. Ainsi, en culture, prendre connaissance de tous les « ingrédients » peut même donc coûter au public.

Pour la 17ème édition du Tomorrowland (21-30 juillet), les organisateurs ont d’abord réservé la moitié des billets aux festivaliers belges et aux habitants des communes environnantes. Ces billets ont tous été vendus durant la matinée du 28 janvier. Mais l’affiche complète ne sera dévoilée que plus tard dans cette même journée lorsque la réservation internationale commence. Le succès indéniable de ce festival ne justifie pourtant pas le fait que le public qui va y participer n’ait pas le droit de connaître son contenu détaillé avant d’acheter son ticket, ne fut-ce que pour choisir le ou les jours où il préfère s’y rendre.

Pour une règlementation européenne

Une législation européenne pourrait permettre aux usagers culturels de se voir traiter de la même façon, et si possible de la meilleure, quelle que soit le pays où l’activité a lieu.

L’exemple suivant est éloquent. Pour les remboursements liés à l’arrêt de la tournée de Stromae, les acheteurs de tickets pour les concerts bruxellois ont été remboursés dans les jours qui ont suivi l’annonce de l’annulation, sans entreprendre aucune autre formalité. Par contre, en France, le jour de l’annonce de l’annulation de la tournée est envoyé un courriel détaillant tout un processus à mener en 2 semaines pour que leur demande de remboursement soit « valable ». Ce message indique que les «  clients » risquent bien de devoir attendre longtemps leur remboursement. L’inquiétude de certains acheteurs prendra fin un peu moins d’un mois plus tard.

Nous proposons que les droits du public culturel s’invitent dans les programmes des partis politiques pour les prochaines élections européennes et qu’il soit question d’une prévente qui ne débuterait pas plus de 6 mois avant le début de l’activité et à partir du moment où son programme détaillé est public

Interpellé récemment par la députée Sophie Rohonyi (DéFI) sur ce thème au Parlement fédéral , le ministre Pierre-Yves Dermagne a indiqué qu’il  y a une exception culturelle à garantir dans toute une série d’aspects, et notamment celui de l’accessibilité à la culture: « Les consommateurs ne sont sans doute pas toujours suffisamment protégés. Il faut voir ce qui peut être fait à un niveau européen. Je suis disposé à sonder le secteur ainsi que les associations de défense des consommateurs ».

Nous attendons donc que le ministre lance les invitations.