Conquérir la suppression d’un mot dans la tarification sur un site internet d’un organisateur culturel peut paraître un détail.
Mais ce mot peut symboliser en six lettres les excès d’une industrialisation à outrance de cette matière dite « à supplément d’âme »: dans le cas présent, un festival de visites d’immeubles Art Nouveaux à Bruxelles.
De quoi s’agit-il concrètement?
Ainsi par un seul mot, une association subsidiée s’arroge depuis plusieurs années déjà le droit de pouvoir donner «une amende», de déterminer unilatéralement le montant de celle-ci et de la facturer à certains de ses usagers, sans autre forme de procès, uniquement selon le libellé de son règlement imposé unilatéralement à son si cher public.
En toute impunité depuis plusieurs années? Dans l’indifférence des pouvoirs publics, de divers confrères de la profession culturelle, de quelques médias censés investiguer, et, hélas, de nous-même. Ne soyons pas manichéen. Heureusement qu’il y a des exceptions et c’est un artiste (dont nous prenons nous-même la décision de le protéger par la préservation de son anonymat afin d’éviter d’éventuelles sarcasmes, voire représailles) qui a tuyauté «La Ligue des Usagers Culturels» (L.U.C.), ce qui a permis à celle-ci de réagir.
Avant son évolution suite à notre plainte, voici le texte de la tarification que la « Ligue des Usagers Culturels » a contesté. Le trait rouge relève de notre initiative, bien sûr. |
L’organisateur a répondu dès le lendemain de l’envoi d’une plainte par la L.U.C. et a immédiatement supprimé le mot et la phrase litigieuse qui l’incluait. Excellente et prompte initiative. Mais, si on lit attentivement sa réponse, on n’y trouve aucune excuse, aucune prise de responsabilité et l’aveu implicite d’un amateurisme navrant dans la façon dont était rédigé ce qui se présente au public comme une règle à observer.
En plus, la dernière phrase de son message est un bijou. Il indique que l’asbl n’a « jamais appliqué ce principe ». Quel bel argument! Cela n’enlève rien au fait que le texte a été écrit.
Cela permettrait-il d’imaginer que pareille phrase ne serait publiée pour faire peur? Est-ce le rôle d’un règlement? Ceci nous fait penser à cette autre phrase également illégale par son manque de nuance que d’autres organisateurs culturels osent écrire peut-être avec une intention analogue: « Nous ne remboursons pas et n’échangeons pas ce ticket ».
Voici cette ultime phrase reproduite telle qu’elle nous est parvenue : «Étant donné que nous n'avons jamais appliqué ce principe et que de consulter un avocat spécialisé serait onéreux, nous allons simplement retirer ce terme du site».
Il nous semble que les mécènes, les sponsors et surtout les autorités publiques qui accordent des subsides devraient être beaucoup plus attentifs au libellé des tarifications, et aussi au contenu des règlements à destination du public imposés par les opérateurs qu’ils aident.
Tout ceci n’entame pas la qualité de ces visites guidées «Art Nouveau», ni les efforts du personnel et des bénévoles qui mitonnent cette passionnante activité.
Le blog a publié le présent article après la fin du festival 2023 afin de respecter son déroulement.
Remercions l’organisateur d’Explore Brussels d’avoir effectué les évolutions de texte dans toutes les langues dans lesquelles cette tarification est affichée sur son site.
Voici notre plainte et la réponse de la direction du Festival Banad.
La plainte de la L.U.C.
Voici le texte de la plainte adressée le 15 mars 2023 par la L.U.C. à la direction du Festival Banad.
Monsieur, Madame, je me permets de déposer plainte auprès de votre organisation.
Un opérateur culturel peut-il légalement facturer ce qu’il appelle lui-même une « amende » à un client/usager?
Dans le monde culturel de haut vol et subsidié, on est censé connaître le sens des mots et éviter la surenchère verbale, non?
Le Festival BANAD qui se déroule actuellement, et jusqu’au 26 mars 2023, le revendique sur son site internet, ce terme amende.
Cette activité est réalisée avec le partenariat de plusieurs organismes officiels et/ culturels, le plus souvent de grande qualité, ce qui pose encore plus question!
Même donc le plus honorable de notre culture accepte pareille dérégulation…
Il s’agit de l’ARAU, de Pro Vélo, d’Arkadia et de Bruxelles Bavard.
Voici le texte qui pose question: «Réduction de 50% sur le tarif plein pour les étudiants de moins de 26 ans, les étudiants de la VUB et de l'ULB, les détenteurs de la carte Culture ULB, les personnes à mobilité réduite et les demandeurs d’emplois.
Nous avons développé une politique de tarifs réduits afin de rendre les visites d'intérieurs accessibles au plus grand nombre. Si vous réservez au tarif réduit, vous devrez être en mesure de prouver que vous y avez droit. Si vous avez réservé au tarif réduit alors que vous n'y avez pas droit, Explore.Brussels vous facturera la différence ainsi qu’une amende de 50% du montant total de votre commande».
Il faudrait avoir un avis d’un ou de plusieurs avocats sur l’utilisation de ce terme!
L’amende est, de façon globale, une sanction pécuniaire édictée par la loi en matières civile, fiscale, douanière ou pénale, consistant en une somme d'argent payable à l’État. Historiquement, il existait aussi une sanction pécuniaire à caractère disciplinaire infligée par un employeur à son salarié. Elle fut, le siècle dernier, d’abord partiellement prohibée, puis interdite.
Une activité culturelle est-elle un policier, un tribunal… ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel (qui, lui, peut infliger des amendes, mais selon un règlement extrêmement strict décidé par le pouvoir politique)?
Mon avis personnel? Je suis pour la légalité, donc je soutiens le fait que le public n’utilise pas un avantage auquel il n’a pas droit. Mais de là à ce qu’un organisateur culturel déclare infliger une amende…
Que l’organisateur demande donc au moment de l’achat ou au contrôle à l’entrée de l’activité elle-même la preuve du droit à une réduction, c’est ce qui se passe habituellement.
Lorsqu’il s’agit d’une activité où le nombre de participants possible est restreint et que c’est complet, il est logique que la solution soit, au constat à l’entrée de l’activité, pour des achats fait sur la toile, l’obligation de payer le complément manquant. Mais ce n’est pas une amende!
L’étape suivante serait le casier judiciaire? De qui se moque-t-on? Du public, tant chéri dans les mots et les intentions affirmées, mais constatez ce type d’outrance dans la pratique quotidienne.
Dans l’attente de vos lire, je vous prie de croire en l’expression de mes sentiments distingués.
La réponse de Explore Brussels
Le 16 mars 2023, Julien Staszewski, Directeur de l’asbl «Explore Brussels» répond (sur le papier à lettre, est également mentionné après la signature : ARAU - Arkadia - Bruxelles Bavard - Pro Velo).
Cher Monsieur, merci pour votre retour et lecture attentive de notre site internet.
Vous avez tout à fait bien saisi la logique de l'idée: l'intention est d'éviter que le public utilise un avantage auquel il n'a pas droit.
Je suis désolé si le terme «amende» vous choque / ne vous semble pas légal. Nous ne l'avons en effet pas fait vérifié par un avocat spécialisé à l'époque où nous avons inscrit cette phrase (lors de la 1ère édition du BANAD de mémoire).
Etant donné que nous n'avons jamais appliqué ce principe et que de consulter un avocat spécialisé serait onéreux, nous alons simplement retirer ce terme du site: : https://www.banad.brussels/fr/infos-pratiques/tarifs
Bien à vous.