Le
Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (BOZAR) a heureusement réussi à
mettre fin à la «pratique» suivante dommageable pour son public.
Si
un Code fédéral des usagers culturels existait et avait consacré un de
ses points à une leçon tirée de cette expérience, le nouveau musée de la
KBR (Bibliothèque Royale) qui vient d’être inauguré durant le premier
déconfinement 2020 aurait pu s’en inspirer.
Ainsi, pareil Code serait aussi utile aux organisateurs culturels fédéraux.
Frida Kahlo et El Greco
De quoi s’agit-il?
Pour
son exposition «Frida Kahlo y su mundo» (du 16 janvier au 18 avril
2010), B0ZAR indique sur son site: «Accès à heure fixe. Réservations
conseillées». Cet avis est répercuté par la presse écrite. Sur le site
de l’organisateur, il est également mentionné que la réservation par
téléphone est impossible.
Se
procurer une place à l’avance via internet, c’est sans obstacle pour
les visiteurs qui paient le prix plein (8,00 €) ou qui bénéficient des
réductions les moins importantes (5,00 € pour les +60 ans ou les -26
ans).
Par
contre, il est techniquement impossible de réserver sur le site pour
les personnes qui ont droit aux réductions les plus fortes: les
professeurs et les demandeurs d’emploi (3,00 €), ainsi que les «Article
27» (1,25 €).
Exemple
d’un problème concret survenu suite à cette discrimination: le samedi
23 janvier 2010, trois visiteurs venus de Flandre purent visiter
l’exposition car ils avaient payé 8 € avec réservation par internet.
Mais ils étaient accompagnés par cinq professeurs qui ne pouvaient pas
réserver de cette façon, à cause de leur forte réduction. Comme c’était
sold out, ils n’ont pas pu entrer. À quoi donc cela sert-il d’accorder
des réductions si les personnes à qui on juge socialement utile d’offrir
pareil avantage sont contraintes de se déplacer une première fois à
B0ZAR pour réserver, et une deuxième fois pour enfin visiter
l’exposition?
Qu’est-ce
qui empêche l’institution de vérifier, quelques instants avant leur
visite, si les détenteurs des réductions à 3 € et 1,25 € ont bien droit à
pareils avantages? C’est d’ailleurs bien prévu pour les +60 ans ou les
-26 ans (réductions à 5,00 €) qui, eux, peuvent réserver via internet et
seront invités à montrer leur carte d’identité lors de la réception de
leur place.
À
une plainte envoyée le 25 janvier 2010, suivie de son rappel le 3
février 2010, le directeur du lieu, Paul Dujardin, répond le 18 février
2010. Il ne prévoit pas d’élargir la possibilité de réserver par
internet aux trois catégories d’usagers «exclus». Sa réponse se termine
par ce qu’on peut considérer comme une promesse: «Nous nous attelons à
trouver une solution pour toute personne qui nous informe d’une
difficulté spécifique. C’est d’ailleurs, vous le savez, une volonté (de
Bozar que) d’ouvrir nos activités à toutes les catégories de visiteurs
et notre politique tarifaire s’inscrit dans cette perspective».
Aucun
changement ne sera mis en place avant la fin de cette exposition. Elle
n’est pas un cas isolé: le même processus discriminatoire de réservation
via internet a été utilisé plus tard par BOZAR pour d’autres
expositions comme celle consacrée à El Greco (du 4 février au 9 mai
2010).
La solution de BOZAR
En
2020, une solution a été trouvée. Le service de presse de BOZAR nous
explique: les réservations en ligne pour les expositions sont
obligatoires depuis la réouverture des expositions, le 19 mai 2020, en
raison de la crise Covid (uniquement des ventes en ligne, pas d’argent
liquide, nominativement en raison de la traçabilité et dans des créneaux
horaires avec une limitation du nombre de personnes).
Pour
pouvoir bénéficier de l’une des réductions, BOZAR demande aux visiteurs
de fournir une attestation.Ils peuvent envoyer une copie de leur
attestation par e-mail. Après, BOZAR contactera ces personnes pour le
paiement du ticket. Il est proposé de faire la demande un jour avant la
visite.
Si le Code avait tiré la leçon…
À
moins d’un kilomètre de BOZAR, à la mi-septembre 2020, est inauguré le
nouveau musée de la KBR (la Librairie des Ducs de Bourgogne) et certains
visiteurs se retrouvent face au même problème que ceux vécus lors de
l’exposition «Frida Kahlo y su mundo».
En
effet, l’institution inscrit dans sa tarification (alors qu’on réserve
par tranche horaire, 50 visiteurs maximum par heure) «Les tickets
gratuits sont seulement disponibles sur place». Conséquence: les moins
de 18 ans, les chômeurs et les moins valides doivent venir sur place
(puisque leur entrée est gratuite), et si c’est plein, tant pis pour
eux.
Suite
à une plainte de La Ligue des Usagers Culturels, une réponse sera
donnée rapidement par Églantine Lebacq sur la page facebook «Bruxelles
est en Bourgogne»: «Pour notre système de réservation des tickets
gratuits en ligne, nous sommes bien conscients du problème actuel et
nous mettons tout en œuvre pour y remédier au plus vite».
Quelques
jours plus tard, le site KBR prévoira, pour le public qui a droit à
l’entrée gratuite, la possibilité de réserver sa place via internet
comme tous les autres visiteurs, avec cette remarque particulière qui
est tout-à-fait normale: «(…) Les visiteurs bénéficiant de la gratuité
doivent prouver qu’ils y ont droit. Après vérification, vous recevrez un
ticket d’accès au musée».